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Ode sur le Père Girard

Ode sur le Père Girard
Quel est ce mortel plein d'audace
Qui dans ses excès effrenés
Brave la justice à la face
De tous les peuples indignés ?
Quoi, de ta haine pour le crime,
Thémis, une telle victime
Ne redoute point tes transports ?
Prête-moi ton fer redoutable.
Prête. Ce genre de coupable
Sera mieux jugé chez les morts.

Le masque est tombé, l'hypocrite
Convaincu de mille forfaits
De la main de l'infâme jésuite
Prodigue l'or et les bienfaits.
A l'intégrité de ses juges
Il oppose les subterfuges
De ses confrères intrigants,
L'effort d'un pouvoir tyrannique,
L'art d'une procédure inique
Et le front des plus fiers brigands.

Vains détours ! ressource inutile !
Ton orgueil du moins une fois
T'apprendra, cabale indocile,
A subir le joug de nos lois.
Tu perds ton crédit et ta peine,
Je vois plus d'une âme romaine
Mépriser l'éclat de tes dons,
Ton or, tes offres et ta gloire
Leur sont moins chers que la mémoire
Qui doit éterniser leurs noms.

Je me trompe, la scène change,
L'aréopage est mi-parti.
Cette division étrange
Met le criminel à l'abri
Sous l'autorité du Roi même,
L'ennemi de l'Etre suprême
Jouit des charmes du repos.
J'ai vu les dieux former l'orage
Et je les vois sur ce rivage
Se rire du courroux des flots.

Est-il donc des grands sur la terre
Assez grands pour vaincre les dieux ?
Comment a cessé le tonnerre ?
L'éclair n'éblouit point mes yeux.
Une si terrible tempête,
Tant de traits lancés sur sa tête,
Tous les dieux armés contre lui,
Tout cela n'est qu'imaginaire,
Et pour en faire une chimère
La voix d'un ministre a suffi.

Ministre protecteur du vice
De quel espoir es-tu flatté ?
Quoi, jamais ton esprit novice
Ne connaîtra la vérité ?
Dans le labyrinhe du doute
Toujours la plus mauvaise route
Est celle où tu portes tes pas.
Tu sais deux collègues impies
Qui, vendus aux noires harpies,
Favorisèrent leurs attentats.

Que désormais sans se contraindre
Le crime se montre au grand jour
Quel châtiment pourrait-il craindre
Sous les auspices de la cour ?
Fuyez, vérité trop sévère
Dictant une loi trop austère,
Vous blessez les yeux des mortels
On ne veut plus de vous pour guide
Le luxe et l'intérêt sordide
Trouvent seuls ici des autels.

Je vois cette vive lumière
Fendre rapidement les airs ;
Elle va terminer sa carrière
Chez le maître de l'univers.
Déjà sa voix se fait entendre
C'est à la foudre de défendre
Ses saints droits trop peu respectés
Dieu s'arme ; le tonnerre gronde.
Que deviendra la race immonde
Des loyolistes détestés ?

 

Numéro
$1870


Année
1731




Références

F.Fr.23859, f°135v-136v - BHVP, MS 602, f°213r-214v - Lille  BM, MS 69, p.208-13