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Vers pour le P. Girard

       Vers pour le P. Girard
De tes noirs attentats, de ta noire malice
Secte impie, exécrable, on connaît l’artifice.
L’imposture ne peut se soutenir longtemps
Et le juste opprimé triomphe des méchants ;
Plus il est abattu, plus sa gloire en éclate.
L’impie pour un temps de ses forfaits se flatte
L’impiété paraît, l’imposteur confondu
Cède aux attraits puissants de la vraie vertu,
L’innocence paraît et malgré l’imposture
Elle se fait connaître, à nu et toute pure,
Tremble, fille d’enfer, tes crimes sont connus.
De ta sainteté feinte, on reconnaît l’abus.
Trop longtemps tes forfaits, masqués sous l’apparence
D’une fausse vertu marquaient l’extravagance
De vouloir se donner pour fille qui du Ciel
Disposait des faveurs, qui du Père éternel,
Du Fils, du Saint-Esprit possédais la tendresse,
Qui des Cieux te disais l’absolue maîtresse,
À qui la Sainte Vierge accordait ses faveurs,
Qui pour te caresser prodiguait ses douceurs.
À t’entendre parler, les séraphins, les anges,
Les Dominations, les Trônes, les archanges,
Apôtres et martyrs, tous les saints à leur tour
Accouraient à l’envi pour te faire la cour,
Quel était ton dessein, quelle était ta manie,
Avorton de Satan, détestable furie,
monstre que l’enfer vomit en sa fureur,
Dont le nom à jamais causera de l’horreur,
À ceux qui de ta vie écouteront l’histoire
Qui des plus scélérats efface la mémoire.
Non, il ne fut jamais un monstre égal à toi,
Point de religion, sans honneur et sans foi,
Abusant tous les jours des plus saintes maximes.
Pour venir à ton but, quels forfaits et quels crimes,
N’as-tu pas sans remords, commis impunément !
Rien de sacré pour toi, mystère, sacrement,
Tu te servais de tout  qui l’eût dit qu’à ton âge,
À vingt ans tout au plus, en savoir davantage
Que les plus scélérats et les plus libertins ?
Que dis-je, les démons, ces esprits si malins,
N’ont jamais inventé dans leurs demeures sombres
Rien qui ressemble à toi ; tu surpasses ces ombres.
Tu veux passer pour sainte, et fille à visions,
Aujourd’hui toute à Dieu, et demain aux démons,
Le matin en extase et le soir possédée ;
Tantôt vivant en sainte, et tantôt en damnée,
Jéésus-Christ et Satan alternativement
Dans ton corps, disais-tu, logeaient séparément,
Pure et sainte en un temps, dans l’autre sacrilège,
Et le tout par l’effet d’un fatal sortilège
Que le Père Girard en soufflant dans ton sein
Par un prestige horrible avait de son venin
Empoisonné ton cœur d’un amour impudique,
Que tu croyais pourtant tout saint et tout mystique.
Depuis le jour fatal de cet enchantement
Tu brûlas, disais-tu, d’un amour violent
Pour le Père Girard, sans lui ne pouvant vivre,
Un funeste penchant t’obligeant à le suivre,
Malgré lui, disais-tu, scélérate méduse,
De tes noirs attentats n’est-ce pas ton excuse ?
Par là tu prétendais abuser le public,
Qui de ton infamie ignorait le trafic.
Tu voulais te servir de l’art de la magie,
En perdant l’innocent cacher ta calomnie.
Infâme, tu pensais sous ce voile trompeur
Eblouir le public et sauver ton honneur.
Tu dis l’avoir perdu sans être criminelle ;
Tu cries, tu gémis, plaintive tourterelle,
Tu te plains d’un vautour cruel et captieux,
Qui t’enlève et ravit un trésor précieux,
Et qui de vice en vice, et d’abîme en abîme,
Te conduit pas à pas, et nourrit dans le crime ;
De l’inceste tu vas jusqu’à l’avortement,
Du crime c’est parler un peu trop savamment ;
Tes discours que tu tiens ne sont pas le langage
De celle qui du Christ porte la vive image,
Mais d’un monstre plutôt, vindicatif, jaloux,
Que l’enfer engendra dans son plus grand courroux.
Tu racontes des faits impies, exécrables,
Qui font même frémir les plus abominables,
Tu les dis sans rougir, sans crainte, sans pudeur,
Et les plus scélérats en frémissent d’horreur ;
Tu veux après cela passer pour une sainte,
Infâme, front d’airain, sans remords et sans crainte,
À qui tous les forfaits ne coûtent du tout rien
Quand il s’agit de perdre un grand homme de bien.
De quels tours infernaux ne t’es-tu pas servie
Pour noircir la candeur d’une si belle vie,
Prestige, sortilège, inceste, avortement,
Tu commences par là d’accuser l’inncent ;
Nul crime contre lui que la rage n’invente
Et nulle voix enfin que ta fureur ne tente,
Pour le rendre exécrable, odieux, criminel ;
Tu le dis scélérat, ravisseur, sensuel
Pour couvrir ta malice aux enfers inconnue;
Tu contrefais la sainte, et parais ingénue,
Mais les juges déjà découvrent tes forfaits,
Pour ne pas les connaître ils sont trop éclairés.
Crains tout de leur pouvoir, ils abhorrent le vice,
La vertu les conduit ; ni pouvoir, ni faveur,
Ne saurait altérer leur foi ni leur candeur,
Juges sans passion, fermes, incorruptibles,
Justes à l’innocent, au criminel terribles,
Ces dignes sénateurs assis au tribunal
S’attachent à connaître et le bien et le mal ;
Rien n’échappe au savoir de ce sénat auguste ;
Du faux homme de bien il distingue le juste :
Intrigues, trahisons, complots les plus secrets
Ne peuvent échapper à ses justes arrêts ;
La balance à la main, ces juges équitables
Sauvent les innocents, condamnent les coupables ;
Crimes, forfaits cachés et vous, noirs attentats,
En vain vous masquez-vous, ces sages magistrats
Développent le vice et punissent le crime ;
L’amour de la vertu les guide et les anime.
Tremble donc, scélérate, et crains ce bras vengeur
Qui, sauvant l’innocent, punira l’imposteur ;
Temble encor pour ta secte et crains que cette engeance
D’un Dieu juste et puissant n’éprouve la vengeance ;
Cette secte hypocrite et qui sous le dehors
D’une feinte vertu, vit pourtant sans remords.
Mais on connaît déjà le crime et les complices,
On va jusqu’à la source où ces noirs artifices
Ont été complotés pour perdre l’innocent
La vérité triomphe et voici le moment
Que Dieu par le canal de ces juges fidèles
Va condamner, punir ces âmes criminelles ;
Déjà la foudre en main le parlement est prêt
D’obéir à la voix qui leur dicte l’arrêt ;
Le Seigneur va lancer son tonnerre et sa foudre,
Les imposteurs bientôt seront réduits en poudre ;
De ces monstres d’Enfer cet auguste sénat
Saura développer le crime et l’attentat ;
En vain prétendent-ils étouffer leur intrigue,
Ce fameux parlement développe la brigue ;
De ces monstres affreux le complot infernal
Sur leurs têtes bientôt verront fondre le mal
Que leur impiété tendait à l’innocence ;
Qui par un coup du Ciel terrasse cette engeance,
Que l’Enfer en courroux vomit et ne peut voir,
N’ayant jamais connu dans son sombre manoir
Des semblables forfaits une malice égale ;
Tremble donc, et frémis, scélérate cabale
Qui pour plaider ta cause emprunte les secours
Du plus grand scélérat qu’on ait vu de nos jours,
D’un infâme avocat dont toute l’éloquence
Ne montre que des traits remplis de médisance
Qui fait connaître assez qu’il est né sans pudeur,
Sans foi, sans probité, scélérat, imposteur,
Qui sans crainte de Dieu, d’une main diabolique
Ecrit mille forfaits qu’il invente et fabrique ;
C’est d’un tel avocat que tu prends le secours ;
Les enfants de Satan aux démons ont recours ;
Tout autre n’oserait soutenir l’imposture,
Le fourbe fuit le crime et soutient ton parjure.
Comme il est sans honneur, il parle impudemment ;
On sait qu’un front d’airain ne rougit aisément ;
Ainsi ton avocat, cabale abominable,
Est charmé de te voir en tout à lui semblable,
Et si de tout son cœur il te sert de support
Il le doit, puisqu’il est lui-même du complot.
Mais où terminera toute sa calomnie ?
Qu’à te faire périr avec ignominie ;
Il périra lui-même et sentira le bras
Qui prépare aux méchants un funeste trépas ;
Une main invisible, un Dieu juste s’apprête
À lancer ses carreaux sur cette infâme tête
Qui vomissant son âme au milieu des tourments,
Ira les partager avec tous les méchants
Qui frémiront sans doute et croiront leurs supplices
N’être point assez grands pour punir tant de vices ;
Mais avant de descendre en ce lieu plein d’horreur,
Il paraîtra devant son divin créateur,
Qui de tous ses forfaits lui demandera compte
Quel sera son état, quelle sera sa honte ?
Que pourra-t-il répondre à ce Dieu tout-puissant,
Dont la voix fait trembler et frémir l’innocent,
Lui, le plus scélérat et tout noirci des crimes,
Voyant l’Enfer ouvert et ses profonds abîmes,
Ses crimes, ses forfaits à ses yeux paraîtront,
Ses troubles, ses remords alors redoubleront ;
Osera-t-il répondre à ce Dieu de colère
Comme il fait maintenant aux juges de la terre ?
Croit-il que ce juge à qui rien n’est caché,
Qui voit du fond du cœur le plus petit péché,
Qui du juste et du saint, du pécheur, de l’infâme
Développe et connaît jusques au fond de l’âme,
Croira-t-il que ce Dieu qui tient sous son pouvoir
Tous les cœurs des mortels se laisse décevoir ?
Croira-t-il que ce Dieu puisse prendre le change,
Ce puissant souverain qui dispose, qui range,
Sans qui rien ne se meut et qui du haut des cieux
Développe, voit tout et se trouve en tous lieux
De ce monstre d’Enfer quel sera le langage,
Ou plutôt quels seront ses transports et sa rage ?
Désespéré, confus, et de mille remords
Rongé cruellement, que dira-t-il alors ?
Ce perfide avocat dans un morne silence
D’un Dieu juste, vengeur, entendra la sentence
Qui le condamnera dans ces cachots obscurs
À souffrir des tourments, pour tous les gens impurs,
C’est là que maudissant son funeste caprice
Il verra l’innocent pour surcroît de supplice
Jouir du doux repos de la félicité ;
Il le verra ce saint qu’il a persécuté
Dans le sein d’Abraham goûter la récompense
Que le Seigneur prépare à la seule innocence.
Voilà de tes forfaits quelle sera la fin,
Tes factums ne sont pleins que d’un cruel venin,
On n’y connaît partout que malice, que rage,
Tu ne tends qu’à détruire un corps auguste et sage
Tu ne respectes pas des saints religieux
Qu’on respecte partout, qu’on regarde en tous lieux
Comme le ferme appui de la religion,
Dont la vie, les mœurs, la pure intention,
Les dogmes, la conduite et la doctrine saine
De la voie du Ciel est la règle certaine ;
Tu ne peux le nier, car tu le sais, ingrat,
Puisque pendant dix ans, infâme, scélérat,
Ce sage directeur qu’aujourd’hui tu décries
Et que par tes écrits, ingrat, tu calomnies,
T’a souvent retiré du précipice affreux
Où tu serais tombé. Perfide, malheureux,
De ses soins pour ton âme, est-ce la récompense ?
Voilà le juste fruit de ta reconnaissance,
Pour t’avoir pas à pas conduit dans la vertu,
De l’amour du prochain t’avoir entretenu,
Tu fais tous les efforts pour noircir sa morale ;
Ingratitude énorme, en fût-il une égale ?
T’a-t-il pas enseigné ce précepte divin
D’aimer non seulement ton ami, ton prochain,
D’aimer tes ennemis, de leur être propice,
De leur faire du bien, de leur rendre justice ?
En as-tu profité de ces saintes leçons ?
Pécheur, toi qui ne suis que celles des démons,
Qui rend le mal pour bien, O race de vipère,
Des proscrits du Seigneur fidèle caractère
Tu sais de quels tourments aux Enfers le Seigneur
Punit le médisant, châtie l’imposteur,
Tu sais quels grands malheurs cause la médisance,
Elle apporte la guerre, et met en décadence
Les plus fermes Etats ; un fourbe, en médisant,
Fait tomber, fait périr l’empire le plus grand ;
Elle met la discorde aux villes, aux provinces,
Elle brouille les grands, elle brouille les princes,
Elle arme bien souvent les rois contre les rois,
Elle n’épargne pas la majesté des lois ;
Un médisant enfin est un monstre exécrable,
De tous les gens de bien l’ennemi implacable,
D’autant plus dangereux que sous l’ombre du bien
Il détruit son prochain et ne l’épargne en rien,
Qui sous le faux semblant de prendre la défense
Des justes et des saints, opprime l’innocence.
Tel est du médisant le fidèle tableau.
Mais, hélas, de quelle encre, ou bien de quel pinceau
Du calominateur, monstre encore plus horrible,
Pourrai-je me servir ? Non il n’est pas possible
De trouver des couleurs pour faire son portrait.
Malgré tout, cependant, disons-en quelques traits.
Le seul nom d’imposteur annonce sa nature,
Un traitre, un scélérat, un menteur, un parjure,
Sans honte, sans honneur, sans foi, sans probité,
Jaloux de la vertu, jaloux de l’équité,
Qui toujours turbulent, impie, téméraire,
Sur l’honneur du prochain ne peut jamais se taire,
Qui comme un forcené, de maison en maison,
Va jeter la discorde et la dissension,
Qui court de rue en rue, et qui, de place en place,
Noircit l’un, noircit l’autre, à pas un ne fait grâce
Qui comme un furieux, une torche à la main,
Allume mille feux parmi le genre humain.
Rien de sacré pour lui, nul frein qui le retienne,
Nul regret pour sa foi, ni pour la loi chrétienne,
Il attaque le juste, il noircit l’innocent.
La calomnie enfin est un cruel serpent
Dont le venin mortel empoisonne, déchire
Les états les plus saints. Elle fait encore pire,
Elle attaque de Dieu la divine grandeur,
Elle se rit des lois de son législateur,
Elle ne trouve rien de saint, de respectable,
De la religion elle fait une fable,
Elle va jusqu’aux cieux porter son attentat,
Point de condition, point d’âge, point d’état
Qui ne soient à sa rage, hélas, toujours en butte ;
Point de juste et de saint qu’elle ne persécute ;
L’imposteur en un mot est pire qu’un démon,
C’est un flambeau fatal, un infernal tison,
Un monstre affreux à voir, une horrible furie,
Dont on doit éviter partout la compagnie.
Si donc de tes factums telle est l’impiété,
Crains, impie, ce bras du Dieu de majesté
Qui, jaloux de ses droits, punira ta malice,
Punira tes forfaits, armera sa justice ;
Tu n’échapperas pas à sa juste fureur,
Tu seras englouti dans ce lieu plein d’horreur
Où tu suivras de près ta prétendue sainte
Qui sûrement n’est pas sans terreur et sans crainte ;
Elle a beau la cacher et paraître au dehors
Tranquille, sans frayeur, mille et mille remords
Qui ne la quittent pas, la déchirent sans cesse
Et marquent de son cœur la crainte et la tristesse ;
Elle ne doute point de son funeste sort,
Elle entrevoit déjà l’appareil de la mort,
L’innocent qu’elle opprime ou qu’elle calomnie
Lui reproche en secret les horreurs de sa vie,
Dans la crainte toujours elle traîne en tous lieux
Le redoutable arrêt des jugements de Dieu,
Jamais dans le repos, nuit et jour dans le trouble,
Au moindre petit bruit sa tristesse redouble,
Elle traîne avec soi le chagrin, la douleur,
Chaque pas qu’elle fait augmente sa frayeur,
D’un côté ses forfaits, de l’autre l’innocence
Du bon Père Girard troublent sa conscience,
Lui déchirent le cœur et lui font entrevoir
Les horribles tourments de l’infernal manoir.
Préviens donc ces malheurs par un aveu sincère ;
Tu peux encore fléchir la divine colère,
Tu peux de tes péchés obtenir le pardon ;
Plus nous sommes méchants, plus le Seigneur est bon ;
Il ne demande pas que le pécheur périsse,
Qu’il vive en pénitent et qu’il se convertisse ;
Des esprits infernaux n’écoute plus la voix,
Regarde ton Sauveur attaché sur la croix,
Regarde ses douleurs, regarde ses souffrances,
Son amour est plus grand que toutes tes offenses,
En mourant sur la croix, ce divin Rédempteur
Nous montre le désir du salut du pécheur,
Ses bras toujours ouverts te font voir sa clémence.
Ne diffère donc plus à faire pénitence,
Montre ton repentir et fais voir en ce jour
L’innocent opprimé qui triomphe à son tour ;
De tes noirs attentats découvre l’artifice,
Publie tes forfaits, avoue ta malice ;
Il s’agit de ton âme et ne la perds donc pas ;
Envisage les cieux avec tous ses appas ;
Ton salut en dépend, quelle plus grande affaire ?
Pour le quand dira-t-on, quoi, voudrais-tu te taire ?
Lève les yeux au Ciel, regarde ce bonheur
Que tu perds à jamais si du profond du cœur
Tu ne rétractes point toutes tes calomnies
Et ne fais un aveu des noires perfidies
De ton esprit malin, perfide, corrompu,
En laissant plus longtemps l’innocent confondu
Parmi des scélérats dont les crimes, les vices
Méritent mille fois les plus cruels supplices.
Rends justice en ce jour au juste, à l’innocent,
Ne diffère donc plus, fais-le dès ce moment,
N’attends pas d’un arrêt l’équitable sentence,
Rends au juste opprimé toute son innocence ;
Cesse, si tu m’en crois, d’accuser l’innocent,
Avoue ta malice avant le jugement,
N’attends pas que la cour montre ta calomnie
Et que par un arrêt elle le justifie ;
N’attends pas qu’on t’applique au supplice cruel
Inventé pour tirer l’aveu du criminel ;
De ce complot affreux avoue le mystère,
De leurs crimes, des tiens fais un aveu sincère.
Par là tu feras voir que tu crains le Seigneur
Et qu’il te reste encore quelque peu de pudeur.

 

Numéro
$3100


Année
1732




Références

Turin, p.287-303