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Vers

                   Vers
Cardin, ta piété caustique
A paru dans son plus grand jour.
La Cadière et Girard ont fourni tour à tour
Le jugement le plus inique.
D’Eguille, Charleval, Faucon, ces gens d’honneur,
Ou plutôt malheureux esclaves,
Sans religion et sans pudeur
Ont du niais Montauban accepté les entraves.
Toi-même, lâche partisan,
D’un coeur plein d’horreur et de bile
N’a pas rougi malgré ton rang
D’immoler ton âme servile.
Par quel indigne et criminel effort
As-tu tenté d’aveugler Thémis même ?
Il n’est syndérèse, remords
Qui n’ait cédé à la fureur extrême.
Loin de casser, admettre l’accedit
D’un official téméraire.
Ce fut le premier pas d’un indigne crédit.
Quelle en sera la suite meurtrière ?
Débouter l’innocent de tout ce que Thémis
Dans ses justes lois avait mis
Et qu’elle accorde au plus coupable,
User pour l’effrayer des tours les plus damnables,
Joindre aux prévarications
De deux commissaires indignes
Les affreuses conclusions
D’un parquet, ou plutôt de trois brigands insignes,
Le tout pour ébranler le cœur
De trois innocentes victimes
Et pour sauver l’infâme auteur
Des plus noirs, des plus affreux crimes
Trouver dans le sénat une assez vile engeance
Pour consacrer les forfaits odieux,
Et menacer de mort la timide innocence.
Bien plus, si ce grand Cicéron,
Ce fameux magistrat, ce juge à toute épreuve,
De qui le vrai mérite a conservé le nom,
N’avait de ces forfaits mis au grand jour la preuve,
On aurait vu par la main du bourreau
Couler à gros bouillons le sang de l’innocence,
Et le coupable fier, par un crime nouveau,
En triomphant des lois assouvir sa vengeance.
Mais grâce au Dieu vengeur
Qui malgré l’homme sait assurer les victimes,
L’arrêt même, Girard, en ta faveur
Prouve invinciblement ta morale, tes crimes,
Plus coupable en ton cœur que tu n’es dans mes vers
Malheureux, as-tu pu paraître
Digne effroi, juste horreur de ce vaste univers,
Tâche d’ensevelir, et ton nom, et ton être.

 

Numéro
$3089


Année
1732




Références

Turin, p.251-53