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Aventure arrivée à M. Fantin, curé de Versailles

Aventure arrivée à M. Fantin,

       curé de Versailles1
Or, écoutez, petits et grands,
Un vol commis dernièrement
Par un cafard, homme d'Église.
Toute la cour en est surprise
Car le voleur bien avéré
De Versailles était le curé2 .


Ce larron à barbe de chat
Passait partout pour un béat
C'était un zélé moliniste
Persécutant le janséniste,
Croyant à saint Paul être égal
En leur faisant beaucoup de mal.

On avait sur un beau tapis
Rangés des rouleaux de louis
Faisant une assez grosse somme
Qu'un vieux marin, fort honnête homme,
Avait en pieux testateur
Légué pour tous ses serviteurs.

Le barbichet était présent
Car il était du testament,
Ce que l'exécuteur on nomme,
Tant qu'avait vécu le bonhomme
Ce fin pasteur l'avait mené,
Ainsi que l'on dit, par le nez.

Comme ce bon larron croyait
Que personne ne le voyait
Il jette tout d'un coup la patte
Sur un de ces rouleaux, le happe
Et le serre dans son gousset
Ainsi que Cartouche aurait fait.

Un domestique vigilant
Ayant vu le tour du brigand,
Il en avertit tout le monde.
L'on en murmure, l'on en gronde
Mais des assistants la plupart
N'osaient soupçonner le cafard.

Et même, pour sauver l'honneur
De l'ordre dont est le voleur,
Chacun s'éloigne et facilite
Le moyen à cet hypocrite
De réparer dans le moment
Un crime si noir et si grand.

Aussitôt le bon papelard
Se range en un coin, à l'écart,
Pour remettre l'or sur la table.
Mais ô digrâce épouvantable,
De la main tomba le rouleau
Et l'or resta sur le carreau.

Ces louis ainsi répandus
Rendirent notre homme confus,
Mais confus d'une telle sorte
Que le galant gagna la porte
Sans regarder derrière lui,
Laissant tout le monde surpris.

Le lendemain, ce franc fripon
Fit encore l'office, dit-on,
Et d'une audace sans pareille
Oubliant le tour de la veille
Prêcha sur la tentation
Et sur la restitution.

Le filou qu'on nomme Fantin
Était regardé comme un saint.
Il confessait prince et princesse,
Il dirigeait ducs et duchesses;
Ne l'avait pas qui le cherchait,
Chacun des mains se l'arrachait.

Les dames du plus grand renom
Chaque jour l'accablaient de dons
Pour aux pauvres de son église
Les distribuer à sa guise.
Dieu sait l'usage qu'il faisait
De tout l'argent qu'on lui donnait.

Or prions Marie et son fils
De mettre à couvert nos louis
Des griffes de la gent cagotte
Toujours la nation dévote
A fait paraître un zèle ardent
Pour notre or et pour notre argent.

  • 1Chanson sur l'air des Pendus sur M. Fantin, lazariste, curé de la paroisse de Saint-Louis de Versailles, un des exécuteurs du testament de M. Antoine Denis Raudot, intendant général des cluses, mort à Versailles, le 28 juillet 1737. (Arsenal 3133)
  • 2En 1737, à la mort de M. Radot, intendant général des classes de la marine, Fantin, curé de Versailles, qui était exécuteur testamentaire, vola à l’ouverture du scellé un rouleau de louis.[ (F.Fr.15137)

Numéro
$1813


Année
1738




Références

Clairambault, F.Fr.12707, p.255-58 et 271-74 -  Maurepas, F.Fr.12634, p.257-60 - F.Fr.12675, p.296-01 - F.Fr.13662, f°90r-91v - F.Fr.15133, p. 413-17 - F.Fr.15137, p.295-99 - F.Fr.15148, p.262-68 - Arsenal 2932, f°166r-167v - Arsenal 2934, p.323-28 - Arsenal 3116, f°213v-214v - Arsenal 3133, p.404-07 - BHVP, MS 549, f°14-15r - BHVP, MS 658, p.217-20 - BHVP, MS 659, p.337-40 - BHVP, MS 670, f°146v-148r - Mazarine MS 2164, p.447-51 - Mazarine Castries, 3986, p.355-59 - Lyon BM, MS 1553, p. 403-08


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