

L’exil des nouveaux appelants
En voulant qu’un parti prévale,
Que prétend faire le Régent ?
Il favorise une cabale
Traître à l’État ; voici comment :
Qu’enseignent les gens qu’il écoute ?
Que le pape a tout sous sa main,
Qu’à son nom il faut qu’on ajoute :
Des souverains le souverain.
Que sa puissance incontestable
Fait qu’il peut déposer les rois,
Que son décret irréformable
Est au-dessus de toutes lois.
Que dominant sur les conciles
Légitimes et généraux,
Il rend leurs canons inutiles
S’il lui plaît de les juger faux.
Qu’un devoir juste et véritable
Doit demeurer sans action,
Par la menace redoutable
De l’excommunication.
L’autre parti, tout au contraire,
Enseigne et soutient par devoir,
Qu’à nulle puissance étrangère
Des rois n’est soumis le pouvoir.
Qu’au sacerdoce qu’on révère
Laissant ses droits vrais et certains
Et tout l’honneur du ministère,
Les princes seuls sont souverains.
Qu’indépendante est leur couronne,
Qu’en France l’on n’obtiendra point,
Quoique Rome fulmine et tonne,
De se relâcher sur ce point.
Qu’un pape, ni même un concile,
Sans crime, sans témérité,
Ne peut délier peuple ou ville
Du serment de fidélité.
Quand le devoir est véritable,
Qu’une excommunication
Ne peut jamais rendre excusable
De ce devoir l’omission.
Voilà d’où vient votre disgrâce,
Montpellier, Boulogne et Senez1;
A vous est jointe une autre classe
A qui l’on fait même procès.
De ce nombre est Thierry de Viaixne2,
Fouillac, d’Asfeld, Boyer, Begon ;
Deux autres, puis demi-douzaine,
De chacun d’eux disons le nom.
Sans que la rime nous contraigne,
C’est dom Louvard3 et Gaffarel,
Rollin, Tabourin, La Chassaigne,
Maillard, Lefèvre et Du Ruel.
D’ailleurs on chasse de Sorbonne,
Du moins l’on prive de leur voix
Plusieurs dont la doctrine bonne
Défend de nos princes les droits.
Avec Thouvenot sans suffrages,
On y voit Damoreau, Bourcier,
Pour avoir parlé sans ambages
Comme Le Brun, Le Tonnelier.
Desmoulins est traité de même4,
Eudes et l’ex-syndic Quinot,
Boucher ; tous par fureur extrême
Sont réduits à ne dire mot.
On a fait semblable querelle
A quatre courageux Feuillants,
Relégués par leur trop grand zèle
De Paris en d’autres couvents.
Cet ordre ou cette obédience
Recevront par le général
Dom Denis, dom de Saint-Fulgence,
Dom prieur, dom provincial5.
Pareillement dans la province
On moleste les appelants
Par lettres de cachet du prince
Que font donner les acceptants.
A Reims, maîtrisant le chapitre,
Mailly, ce superbe prélat,
Veut rendre esclave de sa mitre
Ceux dont l’appel a fait éclat6.
Curés, chanoines de mérite
Et docteurs, il fait exiler,
Et plus sa pourpre l’accrédite,
Plus il en fera défiler.
C’est ainsi que l’on vous disperse,
Baudouin, Geoffroi, Gillot, Hilet,
Et vous Le Gros, que l’on traverse
Derechef, et vous, Oudinet.
Depuis, vous encore il accable
Pour sa vengeance contenter,
Deux, dont la vertu respectable
Devait sa fureur arrêter.
Le premier, qui Drouillet s’appelle,
Doyen et curé de Mouzon,
Est de cœur humble, mais fidèle
A ses devoirs avec raison.
L’autre est le doyen de Maizières,
Le ferme et constant Lémery,
Qui, plein de zèle et de lumières,
Est le pasteur de Donchery.
Mais de ces gens quel est le crime ?
Demandons encore une fois ;
Et pourquoi sont-ils la victime
Des ennemis des droits du roi ?
Quelle qu’en soit la fausse apparence,
La vraie et l’uniquce raison,
C’est qu’à nos maximes de France
Attachés, ils en font leçon.
Qu’on sache donc pour quelle cause
Ils souffrent persécution ;
Pourquoi les maltraiter on ose
Par plus d’une vexation.
Numéro $0469
Année 1721
Sur l'air de ... Réveillez-vous, belle endormie
Description
28 x 4
Références
Raunié, IV,86-93 - Clairambault, F.Fr.12698, p.57-62 - Maurepas, F.Fr.12630, p.391-96
Mots Clefs Jansénisme, exil appelants, revue de détail