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Les Miracles du diacre Pâris

Les miracles du diacre Pâris
Apprenez, troupeau sévère,
Que Pâris le réfractaire
Triomphe après son trépas !
Frères, exaltons,
Canonisons
Cet homme-là !
Nous mettrons l’Église à quia !

Laissons gronder Rome,
Le crédit de ce saint homme
Bientôt l’anéantira.
Frères, exaltons,
Canonisons
Cet homme-là !
Nous mettrons l’Église à quia !

On lui fait maintes neuvaines,
Il fait miracles à centaines,
Le badaud chantant s’en va :
Il en fait ci,
Il en fait là,
Il en fait tout du haut en bas.

Que parmi nous on travaille
A confirmer la canaille
Dans l’aveuglement qu’elle a ;
Culbutons ci,
Culbutons là,
Culbutons tout du haut en bas !

Chaque malade, en silence
Cachant sa convalescence,
Sur son tombeau s’écriera :
Miracles-ci,
Miracles-là,
Miracles tout du haut en bas.

Malgré notre décadence
Et sa propre conscience,
On l’a vu jusqu’au trépas
Appeler ci,
Appeler là,
Appeler tout du haut en bas.

Il monte au ciel de la sorte,
Mais Pierre étant à la porte,
Tout surpris de le voir,
Le traita ci,
Le traita là,
Le traita tout du haut en bas.

Mais Pâris avec constance
Appela de sa sentence,
Et des cieux dégringola,
S’en allant ci,
S’en allant là,
S’en allant tout du haut en bas.

N’éventons point cette affaire,
Mais imposons au vulgaire,
Car nos élus sans cela
S’en iront ci, S’en iront là,
La, la, la, la,
S’en iront tout du haut en bas1 .

  • 1Bien que Voltaire ne soit pas une autorité en matière religieuse, il est permis de lui emprunter son explication, parfaitement rationnelle, des prétendus miracles opérés à Saint‑Médard : « Quelques personnes du parti, qui allèrent prier sur le tombeau, eurent l’imagination si frappée, que leurs organes ébranlés leur donnèrent de légères convulsions. Aussitôt la tombe fut environnée du peuple ; la foule s’y pressait jour et nuit. Ceux qui montaient sur la tombe donnaient à leurs corps des secousses, qu’ils prenaient eux‑mêmes pour des prodiges. Les fauteurs secrets du parti encourageaient cette frénésie. On priait en langue vulgaire autour du tombeau : on ne parlait que de sourds qui avaient entendu quelques paroles, d’aveugles qui avaient entrevu, d’estropiés qui avaient marché droit quelques moments ; les prodiges étaient même juridiquement attestés par une foule de témoins qui les avaient presque vus, parce qu’ils étaient venus dans l’espérance de les voir… Le tombeau du diacre Pâris fut le tombeau du jansénisme dans l’esprit de tous les honnêtes gens. Ces farces auraient eu des suites sérieuses dans des temps moins éclairés. Il semblait que ceux qui les protégeaient ignorassent à quel siècle ils avaient affaire. » (Siècle de Louis XIV) (R)

Numéro
$0729


Année
1727




Références

Raunié, V,263-66 - Maurepas, F.Fr.12631, p.402-05 -  F.Fr.10286 (Barbier), f°301-02