Apologie de Monsieur Tenin
Apologie de Monsieur Tencin
Jansénistes audacieux,
Soyez enfin plus sages,
Et de vos vers injurieux
Réparez les outrages.
Oser s’attaquer à Tencin,
L’honneur de la patrie
Et flétrir par un vers malin
Une si belle vie !
Objection
Vous nous direz : qu’avons-nous fait
Qui soit si condamnable ?
Nous n’avons rien dit en effet
Que de très véritable.
Dira-t-on qu’on l’a faussement
Taxé de simonie ?
Ce que prouve un parlement
Est-il donc calomnie ?
L’a-t-on injustement traité
D’agioteur insigne ?
Est-il faux que Law ait été
Son prosélyte indigne ?
Ne peut-on pas le dire auteur
Des malheurs de la France
Puisqu’il était le directeur
Du chef des finances ?
Réponse
Supposons sans plus d’examen
Tous ces faits véritables,
Noircit-on un homme de bien
Pour fadaises semblables ?
Surtout quand, pour le relever
Et rétablir sa gloire,
Le pape a daigné l’élever
Par un bref sanatoire.
Déployez tout votre courroux
Contre les molinistes,
Il n’est point de brefs pour vous,
Canailles de jansénistes.
Priez, jeûnez, faites du bien,
Tout est illégitime.
Vous blâmez la Bulle, il n’est rien
Qui lave un si grand crime.
Pour nous, eussions-nous la noirceur
De la poix la plus noire,
On nous rendrait notre blancheur
Par un bref sanatoire.
Vous êtes bien fâchés, je crois
Qu’un si beau privilège
Rendent nos mœurs et notre foi
Aussi blancs que la neige.
Si du pontife de son temps
Judas, voleur et traître,
Eût pris un de ces brefs puissants
Lorsqu’il vendit son maître,
On l’aurait bien vu présider
Peut-être en cette église
Qui s’assembla pour décider
Sur la loi de Moïse.
Mais les pontifes de ce temps
Pouvaient moins que les nôtres,
Qui de Dieu sont les lieutenants
Et les rois des apôtres.
Confondons-nous, à votre avis,
L’une et l’autre alliance ?
Voilà, Messieurs, les points précis
Qui font leur différence.
Le juif devait adorer Dieu,
L’aimer d’un coeur sincère,
Du serment ne pas faire un jeu,
Honorer père et mère.
Le moindre écart du Dieu jaloux
Attirait la vengeance
Et l’on n’apaisait son courroux
Que par la pénitence.
Mais qu’un chrétien soit usurier,
Simoniaque, inceste,
Parjure, voleur, meurtrier,
Adultère et le reste,
Tout cela n’intéresse pas
Ni son salut, ni sa gloire.
Il est lavé de tous ces cas
Par un bref sanatoire1
.
Le scélérat va droit aux cieux
Sans faire pénitence.
Voilà ce qu’a de précieux
La nouvelle alliance.
Elle nous donne le pouvoir
De pécher sans scrupule.
Admirons les effets
De son bref sanatoire2
.
Clairambault, F.Fr.12700, p.336-40 - Maurepas, F.Fr.12632, p.199-202 - F.Fr.13660, f°161v-164v - Mazarine Castries 3984, p.281-85