

La Constitution Unigenitus1
Or écoutez la noble histoire
De dame Constitution.
J'en veux célébrer la mémoire
Par une immortelle chanson.
Le pape dit que c'est l'ouvrage
De ses infaillibles ébats,
Mais fort souvent, en mariage,
L'époux se flatte en pareil cas.
Non, non, son épouse mystique
Telle fille n'adoptera,
Cette oeuvre est de la politique
Des dignes fils de Loyola.
Le fait est notoire et visible,
C'est la fille de Jouvency :
Si cet ouvrage est infaillible,
Les almanachs le sont aussi.
Louis vivant, les fiers tricornes
L'allaient faire passer en loi,
Et par leur puissance sans bornes,
Donner comme article de foi.
Tout cédait au pouvoir suprême
Placé dans leurs indignes mains :
On força le Parlement même
De souscrire à leurs noirs desseins.
Cette cohorte déchaînée,
Prête à verser le sang d'Abel,
La foudre en main fut arrêtée
Par un souffle de l'Éternel.
Louis meurt, un Régent illustre
Fait grâce au pouvoir abattu,
Et remet dans son premier lustre
Religion, lois et vertu.
Tout prend une face nouvelle,
Tout rit dans son auguste cour ;
Les saints exilés on rappelle,
Les peuples chantent leur retour.
On ne voit plus de jansénistes,
Tout uniment on est chrétien ;
S'il n'était plus de molinistes,
Après cela tout irait bien.
Mais taisez-vous, Muses, silence ;
Bien des prélats sont assemblés.
Paix, soumettez votre croyance
Aux points qui seront décidés.
De cette célèbre assemblée,
On a fait l'éloge à Paris :
Tout d'une voix, on l'a nommée
Le congrès d'Asinopolis.
L'Esprit Saint n'a pas pris la peine
D'inspirer leurs décisions ;
Ce sont en langue ignacienne
De probables opinions.
Le nonce2 ne perd pas de vue
Le projet si bien commencé ;
Finement, il leur insinue
Le plan que Rome en a tracé.
S'il voit que quelque âme craintive
Balance à souscrire à ce plan,
Il lui fait voir en perspective
Un chapeau rouge au Vatican3.
Chacun de ces prélats contemple
D'un œil jaloux Rohan, Bissy,
Flattés sur leur profane exemple
D'être un jour cardinaux aussi4.
L'esprit plein de l'aimable idée
Du prix qu'on leur fait entrevoir,
On peut juger qu'à l'assemblée
Chacun a bien fait son devoir.
Quesnel, ton affaire est jugée.
Ne te plains pas de ton destin,
Si ta doctrine est condamnée :
C'est celle de saint Augustin.
Si, dans Milève et dans Carthage,
Jadis Pélage on condamna5,
C'est qu'en ce temps, ah ! quel dommage !
Les jésuites n'étaient point là6.
La grande affaire est décidée,
Dieu sait comme à Rome on rira ;
Clément, sur sa chaise percée,
Est infaillible ex cathedra.
Sous peine des Madelonnettes7,
On défend très expressément
A toutes femmes et fillettes,
L'Ancien et Nouveau Testament.
Quoi donc, prélats, pouviez-vous croire
Ce que votre bouche dictait ?
Nous croyons tous, pour votre gloire,
Que votre cœur le démentait.
Vous avez fait une ordonnance
D'imprimer vos décisions,
Mais, pour votre honneur, la Régence
En défend les impressions8.
Rendez grâce à la Providence,
Sans cet ordre plein de bonté,
On aurait vu votre ignorance
Transmise à la postérité.
Servez à votre fantaisie
Le saint-père, mais respectez,
En faveur de votre patrie,
Les gallicanes libertés.
Quand j'entends la voix de l'Église,
Mon cœur l'écoute avec respect ;
Mais, quand Clement seul verbalise,
Ce qu'il dit me parait suspect.
Ce qu'il décide seul à Rome
Ne peut être article de foi ;
Quoique très saint, il n'est qu'un homme :
Peut-être un pécheur comme moi.
S'il refuse aux prélats des bulles9,
Il en sera plus indigent ;
Nous ferions-nous de sots scrupules
De lui refuser notre argent ?
S'il veut nous contraindre de suivre
Son horrible Constitution,
Nous pourrions bien faire revivre
La pragmatique sanction10.
Enfin qu'est-elle devenue,
La pauvre Constitution ?
A Rome on va la mettre en mue
Pour la première occasion.
Comme une fille fort jolie,
Au premier jour, on la verra
Prendre la route d'Italie,
Pour aller voir son bon papa.
Mais de Paris partira-t-elle
Sans aller voir le Parlement?
D'Aguesseau et l'abbé Pucelle11
Lui préparent un compliment.
Mais comme il faut à cette belle
Grande escorte de conducteurs,
Qu'elle emmène au moins avec elle
Tous ses fades adulateurs.
Numéro $0175
Année 1717 (Castries)
Sur l'air de ... Réveillez-vous, belle endormie (Castries)
Description
33 x 4
Notes
Clairambault n’a pas la dernière strophe.
Références
Raunié, II,177-85 - Clairambault, F.Fr.12696, p.225-31 - Maurepas, F.Fr.12629, p.31-37 (manque la dernière strophe) - Arsenal 2961, p.379-87 (manque la dernière strophe) - Arsenal 3132, p.279-85 (manque la dernière strophe) - Mazarine Castries 3982, p. 102-109 (manque la dernière strophe) - Barbier-Vernillat, III, 54-57
Mots Clefs Jansénisme, Constitution, Jouvency, Régent, Nonce Bentivoglio, Rohan, Bissy, Quesnel, Aguesseau, Pucelle,