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Sur la Constitution

1
Rien n’est de foi dans l’Église
Que ce qu’on croit de tout temps,
Partout uniformément.
Le reste n’est que surprise ;
La Bulle et ses nouveautés
Ne sera jamais de mise,
La Bulle et ses nouveautés
Choque toutes vérités.

2
De Dieu la toute-puissance,
La grâce et la charité,
L’Église en sa sainteté,
Jésus et son alliance,
Les devoirs de piété,
Les lois de la pénitence,
Les devoirs de piété,
La Bulle a tout rejeté.

3
Des livres saints l’ignorance,
L’esprit d’irréligion,
La brutale passion,
L’ultramontaine alliance,
La basse servilité
Et l’aveugle obéissance,
La basse servilité
Par elle ont autorité.

4
Ne vous laissez donc pas prendre
A l’argument spécieux
Qu’au décret pernicieux
L’on applique sans entendre.
Je vois ce grand argument
Avec ses efforts se rendre,
Je vois ce grand argument
Metre en poudre en ce moment.

5
Obéissez à l’Église,
Nous dit-on, elle a parlé,
Le pontife a décidé.
Ne craignez point la surprise,
Les prélats ont accepté ;
Soumettez-vous à l’Église
Les prélats ont accepté.
Montrez votre humilité.

6
Je n’aperçois pas l’Église
Dans le nombre d’acceptants,
Tous d’avis différents,
Dont chacun trompe et déguise.
Une mère à son enfant
Crainte qu’on ne le séduise,
Une mère à son enfant
Parle plus distinctement.

7
Si le seul nombre est la base
De votre acquiescement,
Il faut proscrire hautement
La foi d’un saint Athanase,
L’épiscopat réuni
Joint à Libère l’écrase,
L’épiscopat réuni
Le condamne à Rimini.

8
Le seul Sophone [?] s’oppose,
Quand aux prélats d’Orient,
Honorius adhérent,
A tout l’univers impose.
Le concile général
Hérétique les suppose,
Le concile général
Les frappe d’un coup fatal.

9
Distinguez donc bien l’Église
De la foule d’acceptants
Dont personne ne s’entend,
Dont chacun ruse et déguise.
L’Église avec netteté
D’une voix simle et précise,
L’Église avec netteté
Annonce la vérité.

10
De l’Église pour entendre
La voix, les décisions,
Il faut trois conditions
Que je m’en vais vous apprendre :
Il faut l’unanimité
Pour obliger à se rendre,
Il faut l’unanimité,
L’examen, la liberté.

11
C’est ce qui manque à la Bulle
Comme au décret d’Honoré,
Et du concile égaré
A l’arrière formule
Le point d’unanimité
Comme ici on n’en voit nulle
Le point d’unanimité,
D’examen, de liberté.

12
On lui donne un sens à Rome
Et mille autres à Paris,
Les prélats sont désunis,
De discorde c’est la pomme,
Elle est tour de Babel
Où se confond l’idiome,
Elle est la tour de Babel
Où se perd l’homme mortel.

13
Par quel nouveau privilège
Le pape a-t-il condamné
Sans avoir examiné
Avec le Sacré Collège ?
Partout l’inquisition,
Vous en savez le manège,
Partout l’inquisition
Reçoit sans discussion.

14
La France admet de la Bulle
La lettre et proscrit le fond,
Le sens forcé la confond
Et la tourne en ridicule
Mais enfin l’autorité
Efface tout le scrupule,
Mais enfin l’autorité
Ote toute liberté.

15
La Bulle doit sa naissance
À l’envie, à la fureur,
À l’intrigue, à la terreur,
À la lâche complaisance,
Elle doit tout son progrès
A l’aveugle obéissance,
Elle doit tout son progrès
À la crainte, à l’interdit.

16
On la vend, on la trafique,
Si, soumis, vous l’acceptez,
Pour vous sont les dignités.
O, privilège authentique,
Pour moi, je n’espère rien,
Je dis la Bulle hérétique,
Pour moi je n’espère rien,
On me traite en vrai païen.

17
C’est donc l’ombre de l’Église
Et non la réalité
Qui semble avoir accepté ;
Dangereuse est la méprise.
Par ce fantôme Satan
Séduit l’âme trop soumise,
Par ce fantôme Satan
Trompe un dévot ignorant.

18
C’est le piège imperceptible,
Le prodige séduisant
Prédit pour les derniers temps,
le jugement terrible !
Ceux que Dieu même a choisis,
Si la chose était possible,
Ceux que Dieu même a choisis,
En erreur seront induits.

19
Loin l’aveugle obéissance,
C’est pour les simples un écueil,
L’homme soumet son orgueil
A Dieu son intelligence,
Mais il doit être assuré
Pour croire sans défiance,
Mais il doit être assuré
Que Dieu lui-même a parlé.

20
De l’Église il doit l’apprendre,
Mais pour les décisions
Il faut trois conditions,
Vous venez de les entendre
Montrez l’unanimité,
Il croit tout sans rien comprendre,
Montrez l’unanimité
L’examen, la liberté.

21
Dieu, quelles douleurs amères
Pour un cœur obéissant
D’être forcé maintenant
De résister à ses pères,
Vous connaissez le désir
S’il ne vous était contraire,
Vous connaissez le désir
Que j’ai de vous obéir.

22
Qu’ils soient touchés par les larmes
Que l’Église pour les maux
Que font les décrets nouveaux
Verse au milieu des alarmes.
Que pour lui rendre la paix
Ils finissent les vacarmes,
Que pour lui rendre la paix
On n’en parle plus jamais.

23
Grand Dieu, faites le miracle,
Réunissez les esprits,
Des pères avec le fils
Selon le divin oracle
Jouissons tous de la paix,
Nous vous louerons sans obstacle,
Jouissons tous de la paix,
Nous vous louerons à jamais.

 

Numéro
$3758


Année
1729 (Castries)




Références

F.Fr.15132, p.261-74 - Arsenal 2932, f°7r-12bis - Arsenal 3116, f°96r-99r - BHVP, MS 658, f°159 - Mazarine MS 2166, p.283-94 - Mazarine Castries 3984, p.350-59 - BHVP, MS 542, f°61-70


Notes

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