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Grâce suffisante

Grâce suffisante
La terre a besoin de culture1  ;
Malgré les soins de la nature
L’homme doit y mettre du sien.
Au champ abondant et fertile
Si le laboureur ne fait rien,
Sans tarder il devient stérile.

Qui suce dès son plus tendre âge
De l’amour de Dieu le saint gage,
Vit et meurt d’un pur sentiment.
Cet amour, aux âmes bien nées,
Comme un pot garde constamment
Les premières odeurs données.

Si tu veux triompher du vice,
Use de force et d’artifice
Afin de l’éloigner de toi,
Et pour t’en rendre le sûr maître
De la prudence aide ta foi
C’est ainsi qu’on se fait connaître.

La loi que trace la nature
Sainte, divine et toute pure
Sait mettre un frein à nos plaisirs.
Ses lois ne sont point inhumaines
Elle ne borne nos désirs
Que de peur d’accroître nos peines.

Vers les excès qui nous entraînent
Nous nous laissons mener sans peine
Le vice nous paraît charmant,
Pour le salut très peu facile
On voit un pilote ignorant
Fuir Carybde et trouver Sylle.

Crainte qu’une divine grâce
S’amolissant, s’use et se passe
Il faut veiller incessamment
Tenir l’âme en pure exercice
Car par l’action seulement
La vertu diffère du vice.

Plus le vice paraît aimable,
Plus il doit être redoutable,
Malgré ses doucereux appas
En masque il agit par feintise,
Et contre un roc qu’on ne voit pas
Des vertus la barque se brise.

D’une tache légère et sombre
Qui devant ton œil fait quelqu’ombre
L’oculiste arrête le cours,
Mais aux maux que ton âme souffre
Refusant le divin secours
Tu trébuches au fatal gouffre.

Si tu gardes, peur du supplice
Et non point par horreur du vice,
Un trésor à tes soins commis,
Quoiqu’entier tu le délivres
Sans larcin le crime commis
Te dois rayer du rang de vivre.

Le silence est un bien suprême ;
C’est la vertu du sage même.
Sans comparaison de l’amant
L’homme qui d’un secret extrême
Ne parle que très rarement
N’offense jamais ce qu’il aime.

L’âme humble, et non point orgueilleuse
Foule aux pieds la grandeur flatteuse,
Poison des vils ambitieux.
Fuis souvent ce que tu proposes
L’homme est preque égal à ces dieux
Qui ne désirent aucune chose

Secte infâme du molinisme,
Vous qui dans chaque catéchisme
Offensez l’essence d’un Dieu
Craignez qu’armé d’un juste foudre
Il ne vous punisse dans peu
Et qu’il ne vous réduise en poudre.

  • 1le 4 octobre 1728 (M.)

Numéro
$3694


Année
1727




Références

Arsenal 2931, f°1126v-129v - Arsenal 3116, f°77v-78v - BHVP, MS 658, f°119-22 - Mazarine, MS 2164, p.260-65


Notes

Sur la grâce suffisante