Sans titre
Ciel1
! que voyons-nous ! quel spectacle ! Noailles,
A des loups ravissants abandonne ses ouailles.
On le voit lâchement trahir la vérité
Et terminer ses jours par une indignité2
;
Tandis que tous chantaient son triomphe et sa gloire,
Il s’est laissé des mains arracher la victoire.
Trop crédule aux flatteurs qui composent sa cour,
Noailles, pour sa gloire, a vécu trop d’un jour.
Consolons-nous ; l’Église, à jamais invincible,
A plus d’un Athanase à nos regrets sensibles.
Oui : nous verrons dans peu qu’en vain ses ennemis
Publieront hautement que tout leur est soumis ;
En défenseurs zélés cette mère fertile
Pour un qui l’abandonne en recouvrera mille,
Prêts à braver la mort contre des novateurs
Qui font d’un Molina la règle de nos mœurs.
On verra foudroyer l’orgueilleux molinisme,
A la fin reconnu pour seul auteur du schisme.
Assez et trop longtemps leurs dogmes empestés
Ont flatté le pécheur dans ses iniquités.
Il ne lui restera que le remords stérile
D’avoir en vain tenté d’abroger l’Évangile.
Le généreux Croissy, nouvel Éléazar,
Rendant avec respect ce qu’on doit à César,
Sans céder au conseil de l’humaine sagesse,
Loin de se démentir par des traits de faiblesse
Va laisser un exemple à la postérité
De l’amour qu’un chrétien doit à la vérité3
.
L’apôtre de Senez, à son devoir fidèle,
A ce digne pasteur servira de modèle.
- 1Vers faits au sujet du mandement d'acceptation de M. le cardinal de Noailles (Clairambault)
- 2L’on aurait tort de croire que le cardinal de Noailles avait dit son dernier mot en publiant son mandement de rétractation ; à peine avait‑il publié cet acte qu’il le renia. (R)
- 3Colbert de Croissy, évêque de Montpellier, avait écrit, au mois de juin, une lettre au roi pour lui représenter « que tout le mal de l’Église venait des jésuites, et qu’en portant Sa Majesté à exterminer les jansénistes, on voulait lui faire ruiner tout le bien du royaume. » (Abrégé chronologique du président Hénault)
Raunié, V,153-54 - Clairambault, F.Fr.12699, p.499 - Maurepas, F.Fr.12631, p.491-92