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Sans titre

A ce grand tambourin
Bornons notre lecture
On devient libertin
En lisant l’Écriture.

Ce livre qui contient
Ce nouveau catéchisme
Avec tous vieux coquins
Veut que l’on fasse schisme.

Bissy, Languet, Tencin
Sont-ils bons catholiques ?
Oui, de par Tambourin
Leurs œuvres sont publiques.

Mais pendant ce beau train
Et leurs noires cabales
Je vois sur le déclin
Nos lois fondamentales.

Le Parlement s’en plaint,
Veut faire remontrance.
Le Roi dit : Taisez-vous,
En courroux,
Mais non, c’est par clémence
Voilà la nouvelle allure.

Chauvelin dit un jour
Mes cousins
Faut être politiques
A la cour il faut bien
Mes cousins
Fourber, être hypocrites.

Le Roi dit à Fleury :
Je m’en vais à la chasse.
Si le Parlement vient,
Faites-lui la grimace.

Fleury lui dit fort bien.
Tenez bon pour la chasse.
Quand bien nous aurions tort,
Et grand tort,
Jamais roi ne recule.

Si le sénat mutin
Ne fait plus son office
Nous tiendrons dès demain
Un beau lit de justice.

Ce fut de grand matin
Qu’on le mande à Versailles
Aussitôt qu’il parut,
On dit : Chut,
Obéissez, canailles.

Le Roi ne brille brin
Dans son lit de justice
C’est sur son traversin
Qu’il fait bien son office
C’est là sa plus belle allure.

Le Parlement chagrin
S’en va de ville en ville
Le remède est certain
Pour dissiper sa bile.

Quand le foudre romain
Un prince excommunie
Du serment le plus saint
Les sujets il délie.

Mais si le pape enfin
En veut à la couronne,
Le Roi comme son fils
Bien appris
Descendra de son trône.

Fleury fut de tout temps
Notre roi, notre maître,
Par l’esprit nonchalant
De celui qui doit l’être.

Etre un homme de bien,
Posséder la science,
Savoir Justinien,
C’est peu de chose en France.

Des lois et du vrai bien
En bonne conscience,
Etre un juste soutien,
C’est un abus en France.

Soyez un franc vaurien,
Mais d’un air d’importance
Ayez un fier maintien,
Le reste n’est que chance.

Soyez ultamontain,
Sans âme ni croyance
On est homme de bien
C’est le système en France.

D’un magistrat ancien
Apprenez l’inconstance.
Il fut homme de bien,
Mais rien n’est stable en France.

D’un humble et faux maintien
Masquer l’insuffisance
Et ne douter de rien,
C’est la coutume en France.

Comme un âne au moulin
Juger de tout en France
Et du commun destin
Commettre l’importance,
Voilà la nouvelle allure.

Par des projets malins
Appuyer l’ignorance
Pour venir à ses fins
Tout renverser en France
Voilà la nouvelle allure.

D’un gros prélat mondain
Louerons-nous la prudence ?
D’un mandement soudain
Il a troublé la France.

Des collets souverains
Augmenter l’arrogance,
Voir les sujets bénins
Demeurer sans défense,
Voilà la nouvelle allure.

Ces corbeaux girardins
Couronnent l’insolence.
Voir passer dans leurs mains
Le sceptre de la France,
Voilà la nouvelle allure.

D’un mauvais patelin
Dont la faible puissance
Ne peut et ne fait rien,
Essuyer l’arrogance,
Voilà la nouvelle allure.

Par un coup du destin
Etre chef de finance,
Causer par son déclin
La commune indigence,
Voilà la nouvelle allure.

Du pouvoir clandestin
Mettre tout en souffrance
Contre prêtre ou catin
Exercer sa puissance
Voilà la nouvelle allure.

Produire à cent faquins
La plus grande opulence
A leurs profanes mains
Livrer toute la France
Voilà la nouvelle allure.

Servir sans gagner rien
Ni grade ni finance,
Y manger tout son bien
C’et ce qu’on voit en France,
Voilà la nouvelle allure.

Vivre soir et matin
Dans l’humble dépendance ;
Au moindre galopin
Faire la révérence,
Voilà la nouvelle allure.

Sans ruse ou souterrain
Des grâces qu’on dispense
N’avoir qu’un espoir vain,
C’est le système en France,
Voilà la nouvelle allure.

D’un oeil tranquille et sain
Voir tout avec constance
C’est un heureux destin,
Mais il est rare en France.
Voilà la nouvelle allure.

Le peuple meurt de faim,
Comment le faire vivre ?
On lui sert un bassin
Des quatre sols pour livre,
Voilà la nouvelle allure.

Pour finir tous ces maux,
Cherchez un habile homme,
Chassez les cardinaux,
Envoyez-les à Rome
Voilà la meilleure allure.

Mais pour en venir là
Il serait souhaitable
De tous les Loyolas
Vous fissiez don au Diable,
Voilà la meilleure allure.

Numéro
$5432


Année
1731 (Castries)




Références

Mazarine Castries 3985, p.273-296


Notes

Castries 273-296 propose les textes recueillis dans $1729, $1731 et $1732, plus d’autres, originaux, qui sont repris ici, soit 37 couplets sur un ensemble de 53.