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Vers en patois parisien contre les avocats de Paris

Vers en patois parisien

contre les avocats de Paris1
Or, écoutez, petits et grands,
L’histoire de méchants enfants
Qui voulions nous apprendre comme
Je devions nous gausser de Rome,
Et qui par un miracle enfin
Avons pensé mourir de faim.

Un aveugle de grand renom2
Dont je ne savons pas le nom
Entamit cette belle affaire.
Il fallit bien se satisfaire,
Mais le drôle avait son pain cuit,
Et les autres grand appétit.

De Ventremille le mandement,
Très catholique assurément,
Enseignait comme ils deviant vivre
Et le sentier qu’ils deviant suivre ;
Mais ces hérétiques maudits
Y ont baillé des contredits.

Ils sont savants, mais, tian, Piarrot,
Qui babille trop n’est qu’un sot.
Notre bon Roi, sans le connaître
Fait, mordié, bian d’être le maître.
A quoi servent ces biaux discours ?
Il nous en reviendra toujours.

Cela n’a duré que trois mois,
La faim chasse le loup du bois.
Quoi, disaient-ils, mourir étiques,
C’est bien pis qu’être hérétiques.
Tout bian compté, bian rabattu,
Ils ressemblent  Coigne festu.

Un Normand qu’on dit de Paris3
D’un biau maintien et bien appris
Voyant le tout à la renverse
S’est bouté tout à la traverse
Et s’est tant creusé le cerviau
Qu’ils sont retournés au barreau.

Quand est de ceux qui sont dehors
On dit qu’ils avons des trésors,
Qu’ils vivent comme coqs en pâte
Que, partant, ils n’avons pas hâte
Mais je ne savons qu’en penser.

Or plaignons les pauvres plaideurs
Qui se seriont bian passés d’eux
Jarni, quoiqu’après un carême
Le ventre est creux, se disait Edme,
Gardons nos bleds dans not’grenier
Et n’engrainons pas les premiers.

  • 1Autre titre : Chanson paysanne (Arsenal 2975)
  • 2Duhamel (M.)
  • 3Me Le Normand (M.)

Numéro
$4841


Année
1731




Références

Clairambault, F.Fr.12704, p.57-58 - Maurepas, F.Fr.12633, p.45-47 - F.Fr.10746, f°215r-220r - F.Fr.15146, p.342-46 - Arsenal 2975, p.174-76 - Arsenal 3128, f°252v-253r - BHVP, MS 602, f°240r-241r -  Stromates, I, 69-70 - Glaneur historique, 17 décembre 1731


Notes

Poème écrit à la fin d'une grève des avocats du parlement de Paris qui a duré du 27 août au 26 novembre 1731. Elle avait été provoquée par un mandement de Vintimille, archevêque de Paris, critiquée dans une consultation de 40 avocats, elle-même cassée par un arrêt du Conseil.