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L'Ambassadeur du sultan

L’ambassadeur du sultan
Dis, Colin, pour quelle cause
Vient l’envoyé du sultan.
Il ne vient pour autre chose
Que publier l’Alcoran. —
Oh ! parbleu, Colin, tu railles.
Comment fera-t-il ? — Comment ?
Couët1 lui répond de Noailles,
Et Mainguy2 du Parlement.

Quoi ! votre clergé de France
Deviendrait un apostat !
Philippe d’intelligence
Soutiendrait cet attentat !
Colin, tu perds la cervelle,
Le pape ne voudrait pas. —
Bon ! le pape et sa séquelle
Canoniseraient Judas.

Il est vrai que l’Évangile
Que prêche notre curé
Dans la bulle prend un style
Tout à fait défiguré. —
Va, si Couët se met en tête
De protéger l’Alcoran ;
Tu ne seras qu’une bête
Si tu n’es pas musulman3 .

  • 1Archidiacre du cardinal de Noailles, et son conseil sur le fait de la Constitution. (M.) (R)
  • 2Conseiller clerc au Parlement, c’est lui qui a traité avec le chancelier pour faire résoudre le Parlement à enregistrer la Constitution (M.) (R)
  • 3« J’ai vu une chanson sur l’affaire de la Constitution, à l’occasion d’un envoyé du sultan qui arrive. C’est une application très ingénieuse au Corps de doctrine et aux explications suivant lesquelles on peut accepter tout ce qu’on voudra et même l’Acoran. Couët, qui répond de Noailles, est l’abbé Couët, son grand vicaire, qui, autrefois janséniste, a changé de sentiment, inventé les explications, tourné l’esprit du cardinal et même celui du chancelier dont il gouverne pleinement la maison et les opinions, et qui a enfin joué toute cette comédie théologique par des dogmes de rechange qu’il accommode à tous les temps. C’est un esprit très dangereux, subtil, qui ne s’ouvre point, et qui cache son venin en dedans. Pour M. Mainguy, c’est un conseiller clerc de la grand'chambre qui a abandonné la foi et la vérité, et qui, de confesseur et presque martyr de la grâce, est devenu prosélyte de la Constitution molinienne, esprit non moins artificieux que l’autre, qui dit et écrit tout ce qu’il veut, mais pourtant dans un style déclamatoire, et qui ne peut éblouir que les petits esprits » (Journal de Marais.) (R)

Numéro
$0426


Année
1720




Références

Raunié, III,261-62 - Clairambault, F.Fr.12697, p.447-48 - Maurepas, F.Fr.12630, p.287-88 - F.Fr.9350, f°115r - F.Fr.9351 (première strophe) - F.Fr.9351, f°171r (première strophe)