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Le Pater

Le Pater
Louis qui faisait autrefois
Trembler les princes et les rois
Dans sa vaste puissance
Nous faisait avec complaisance
L’appeler Pater noster.

Qu’est devenu ce nom fameux,
Ce nom même glorieux,
Sous qui tremblait toute la terre
Hélas, pour la paix ou la guerre ?
A peine sait-on aujoud’hui Qui es

Tes alliés et tes amis,
Tes rivaux et tes ennemis,
S’applaudissent de ton désastre
Et te regardent comme un astre
Eclipsé de la terre In coelis.

Tes pauvres malheureux sujets
Voient tes ambitieux projets
En murmurant au fond de l’âme
Et chacun à l’envi te blâme
Au lieu de dire ton nom Sanctificetur.

On attend impatiemment
La fin de ton règne accablant
On en déteste la durée
Et le plus timoré
Hait et méprise justement Nomen tuum.

Quand on parle d’un malboroug
On voudrait servir sous son joug
Pour éviter ton dur empire,
Tout un peuple après lui soupire
En désirant très ardemment Adveniat.

L’on voit avec étonnement
Ton ridicule entêtement
Pour une vieille édentée1
Que les démons ont empruntée
Pour Regnum tuum.

Cette mégère d’enfer
Qui nous rend ton règne de fer
T’a su si bien mettre à la chaîne
Que tout ce que veut cette reine
Tu lui dis lâchement Fiat.

Ce vieux singe du démon
Dispose de tout sous ton nom
Et comblée de sa victoire
Sans se soucier de ta gloire
Elle t'ôte jusqu’à Voluntas tua.

Elle te rend si odieux
Par ses conseils pernicieux
Qu’on trouvera dans ton histoire
Qu’elle a terni toute ta gloire
Et t’a fait mépriser Sicut in coelo et in terra.

Tous les jours mille et un gueux
Deviennent fiers et glorieux
A la faveur de cette idole
Et soutenus de sa parole
Volent impunément Panem nostrum quotidianum.

L’on n’entend parler que d’impôts
Levés par ses cruels suppôts
Qui, jamais lassés de rapine,
Crient à cette Proserpine Da nobis.

Tes généraux si mal choisis,
Tes maréchaux mous et transis,
Sont du choix de cette femme
Qui par une conduite infâme
Nous deshonorent Hodie.

Ouvre tes yeux à ton malheur
Devient sensible à ton honneur
Défais-toi de cette sorcière,
Renvoie-lui sa condition première,
Renvoie-là à ses dindons, Et dimitte nobis.

Ôte la capitation,
Fais cesser toute exaction
Nous te rendrons tous notre zèle,
Nous t’aimerons d’un cœur fidèle
Prends seulement sur toi Debita nostra.

Fais-toi bien moins craindre qu’aimer,
Ne te laisse pas tant charmer
Par une flatterie,
Sers le vrai Dieu sans mômerie,
Il t’aimera Sicut et nos.

Sois plus fidèle à tes traités,
N’attente plus aux libertés
De mille nations diverses.
Pour lors nous te dirons Dimittimus

Soulage ton peuple accablé
Qui de ses vœux t’a comblé
Tu trouveras dans ses prières
Qui donnent de la terreur Debitoribus nostris.

Règne sur toi-même, il est temps ;
Tu feras moins de mécontents ;
Choisis des ministres sincères
Et de ton peuple sois le père.
Sed libera nos a malo. Amen

  • 1Madame de Maintenon.

Numéro
$2677


Année
1715




Références

Clairambault, F.Fr.12695, p.653-56 - Maurepas, F.Fr.12628, p.81-85 - F.Fr.12796, f°31r-33r - F.Fr.13655, p.145-46 -F.Fr.15152, p.171-79 -  Arsenal 3128, f°240v-241v


Notes

 Ci-gît 1092