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Sans titre

Sur un méchant chariot, traîné par l’infamie1 ,
La honte pour cocher, pour postillon l’envie,
Couverts de déshonneur, pleins d’amour pour l’argent,
Devers le chancelier cheminant lentement,
Quatre preux chevaliers d’une troupe perverse
Suppliaient Monseigneur que par sa grâce expresse
À vingt-huit repentants il donnât le pardon.
« Je l’accorde, dit-il, plaidez, je suis trop bon ;
Plaidez ; mais pour punir votre race parjure,
Avec les procureurs, enfants de l’imposture,
Soyez tous confondus, comme eux portez mes fers,
Renoncez aux lauriers dont vous fûtes couverts…
Je vous pardonne, allez, et que ma complaisance
Soit désormais le sceau de votre obéissance ;
Baissez votre orgueil ; craignez de m’indigner…
Il entrait dans mon plan de vous exterminer. »
Honteux, légers d’honneur, chargés d’ignominie
Notre quatre mendiants joignirent la compagnie :
« Messieurs, leur dit l’un deux, on nous rend la parole :
Nous pouvons tous plaider, mais un point me désole :
Désormais à la gloire il nous faut renoncer. »
Un chacun se regarde, on allait balancer…
Mais La Goutte à propos haranguant la cohorte,
« Plus de gain, moins d’honneur, amis que nous importe ?
Aux autres avocats laissons ce vain espoir.
Que l’ardeur de l’argent guide notre devoir.
Foulons aux pieds l’honneur ; est bien sot qui l’adore.
Nous vivions bien sans lui : nous vivrons bien encore. »

  • 116 décembre – Outre l’épigramme qu’on a vue sur les avocats [$2311], on a fait les vers suivants (M.).

Numéro
$2314


Année
1771




Références

Mémoires secrets, IV, 47 - Hardy, II, 426


Notes

Voir également $5798