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Sans titre

Il court un bruit dans Paris

Qui fait bien honte aux maris.

Un époux chasse sa femme.

En fuyant, lui dit la dame,

D’Egmont, d’Egmont,

Tu m’as bien gâté le front1 .

 

Si je refuse aujourd’hui

Ce qu’on doit à son mari,

C’est qu’il m’en cuirait encore.

Ton état te déshonore

D’Egmont, d’Egmont,

Tu m’as tout perdu le front.

 

Pour une première fois,

Patience je prenons,

Mais non pour la récidive.

D’une pareille lessive

D’Egmont, d’Egmont,

Tu m’as bien blessé le front.

 

J’ai peine à le dire haut,

Mais pour ce coup il le faut,

Je suis toute vérolée

Je eux être séparée,

D’Egmont, d’Egmont,

Tu m’as tout pourri le front.

 

Mes parents et mes amis,

Ensemble nous ont remis,

Mais puisque je suis chassée,

D’obéir suis dispensée,

D’Egmont, d’Egmont,

Cherche à froisser d’autres fronts.

 

Hélas, j’ai cru ton serment

Que tu vivrais décemment,

Mais j’ai bien été trompée

D’être ainsi deux fois dupée,

D’Egmont, d’Egmont,

Que tu m’as fait mal au front.

 

Reçois mes derniers adieux,

Va-t’en vivre aux mauvais lieux ;

De te revoir de ma vie

Je n’aurai jamais envie,

D’Egmont, d’Egmont,

Tu ne verras plus mon front.

  • 1Sur le comte d’Egmont, jeune homme de vingt-huit ans, qui avait épousé Mademoiselle de Villars, fille du duc de ce nom, qui donna la vérole à se jeune et aimable femme, à l’âge de vingt-deux ans, et qui vient encore de lui faire le même présent ; de quoi s’étant aperçue et ayant refusé de coucher avec lui, il la chassa de sa maison à deux heures après minuit, et la pauvre dame bien embarrassée alla chercher gîte ailleurs. On lui fait ces couplets. Ce comte d’Egmont est fils de la comtesse de ce nom, autrefois maîtresse de M. le Duc, qui, présentement surannée, habite l’hiver Paris et Brenne, proche de Soissons, l’été. Son fils était un des plus riches partis de Paris, puisqu’il a deux cent mille livres de rente et la plus belle maison de la ville. Mais c’est un garnement, pilier de bordel, et qui prend son plaisir avec toutes les gueuses des rues et ne voit sa femme que pour lui donner ce qu’il a pris de la première venue.

Numéro
$6753


Année
1748




Références

Mazarine Castries 3989, p.324-26