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Sans titre

La Motte, Homère nouveau,
Nous dit pour se faire lire :
Le vieil Homère est moins beau
Qu’on ne nous a voulu dire.
Tout m’y paraît de travers ;
Voyez plutôt dans mes vers.

Je les avais fait exprès
Pour les rendre plus passables
Mais y regardant de près
A peine est-il supportable,
Malgré tout leur beauté,
Leur douceur et leur clarté.

J’ai retranché la moitié
De ces chants de l’Iliade
Tant elle me fait pitié.
Tout cela m’a paru fade
Et ce fameux bouclier,
Je le rends à l’ouvrier.

J’en ai fait faire un tout neuf
Qui sera bien plus commode.
Il ne coûte que fort peu,
Il est des plus à la mode,
Achille le fait porter
Sans qu’on le puisse insulter.

Pour de très grandes raisons
J’ai changé les caractères,
Les braves étaient poltrons,
Et les poltrons téméraires,
Et pour ce prudent Nestor,
Souvent il avait grand tort.

De toute l’antiquité
J’ai banni certains usages
Qui ne m’ont pas contenté ;
J’en établis de plus sages
Dont les Grecs seraient charmés
S’ils en étaient informés.

Pour ma bonne intention
Je prétends du moins vous plaire,
Et par ma précaution
Prolonger les jours d’Homère.
Ils allaient finir leur cours
S’ils n’avaient eu mon secours.

Numéro
$5118


Année
1716




Références

Arsenal 2937, f°166r-166v