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Messieurs nos généraux et Messieurs les Allemands

Messieurs nos généraux sont très honnêtes gens1
Messieurs les Allemands ne valent pas six blancs.
En voici donc la preuve, on n’en saurait douter
L’on sera convaincu si l’on veut m’écouter.

Messieurs nos généraux, le ving-neuf de juin,
Ne songeant point à mal, allaient leur grand chemin.
Messieurs les Allemands par grande trahison
Se sont jetés sur eux sans rime ni raison.

Messieurs nos généraux ont crié : Qui va là ?
Où est le Sardaignais2 pour mettre le holà ?
Messieurs les Allemands à grands coups de mousquet
Leur ont brutalement donné plus d’un hoquet.

Messieurs nos généraux, qui n’avaient point de tort,
En ont mis sur-le-champ plus de six mille à mort.
Messieurs les Allemands comme des étourdis
Fort incivilement leur ont fait parolis3 .

Messieurs les Allemands, à l’heure de minuit,
Sans battre le tambour ont décampé la nuit ;
Messieurs nos généraux fort charitablement
De tous les trépassés ont fait enterrement.

Messieurs les Allemands, éperdus et fuyards,
Sans chef et sans biscuit couraient de toutes parts ;
Messieurs nos généraux, loin de les suivre encor,
Sur quatre grands ruisseaux leur ont fait un pont d’or.

Messieurs les Allemands ne sont que des ingrats
Qu’il faudrait étouffer entre deux matelas.
Messieurs nos généraux se voyant menacés
D’être un de ces matins par eux bien repassés ;

Messieurs nos généraux, tous pleins de charité,
Éprouveront un jour la céleste bonté.
Messieurs les Allemands, qui sont de Dieu maudits,
N’auront jamais de place en son saint paradis.

  • 1Chanson sur l'armée d'Italie. 1734 (Clairambault) - Des gens oisifs et malins ont fait cette petite chanson sur la bataille de Parme (Barbier)
  • 2L’armée du roi de Sardaigne et les troupes françaises s’étaient jointes pour conquérir la Lombardie. (R)
  • 3Terme emprunté au jeu. Faire parolis signifie doubler sa première mise. (R)

Numéro
$0794


Année
1734 (Castries)




Références

Raunié, VI,80-81 - Clairambault, F.Fr.12705, p.117-18 et 139-40 -Maurepas, F.Fr.12633, p.268 -  F.Fr.12675, p.122-24 - F.Fr.13661, p.638-39 - F.Fr.15133, p. 292-95 -F.Fr.15137, p.127-29 -  F.Fr.15140, p.1-3 - F.Fr.15147, p.117-19 - Arsenal 2934, p.145-49 - Arsenal 2938, f°113r-113v - Arsenal 3116, f° 184v-185r - BHVP, MS 542, p.283-285 - BHVP, MS 548, p.130-31 - BHVP, MS 658, p.93-94 - BHVP, MS 659, p.260-62 - Mazarine Castries 3986, p.86-88 - Lyon BM, MS 1553, p.261-63 - Barbier, II, 485-86


Notes

A Versailles, le 29 août 1734. Voici, Monsieur mon cher camarade, une chanson grivoise qui mérite bien d’avoir place dans vos recueils. Peut-être l’avez-vous déjà vue. Mais en tout cas vous me donnerez encore acte de ma bonne volonté. (Clairambault, p.139)

Dans BHVP MS 542, est immédiatement suivi par $0799.