Le siège de Coni
Le siège de Coni
J’écris une lettre
Au prince de Conti
Pour lui faire connaître
Ce que c'est que Coni.
C'est un retranchement
Qui durera longtemps
Avant qu'il soit repris,
Je vous en avertis!
— Je compte de même
Que Coni est fort,
Mais sa beauté suprême
Fait plaindre son sort.
J'ai cent mille homm's en train
Qui disent que Turin
Sera le brandevin
Pour le premier matin.
— Prince à cette affaire
Faites attention!
Car pour faire la guerre,
Il faut des munitions.
Pour nourrir vos soldats,
Vous aurez d' l'embarras.
Cent mille homm's en campagne
Pèsent bien sur les bras.
— Mais rien ne me manque
Dedans mon armée,
Car pour la dépense
Elle est très bien réglée.
J'aurai pour deux années
A nourrir les Français,
Aussi ceux de Coni,
Aussi les Piémontais.
— L'hiver qui s'avance
Vous obligera,
Sans nulle doutance,
A quitter tout cela.
La neige et les glaçons,
Le froid de la saison,
Vous feront bien, Conti,
Abandonner Coni.
— J'ai fait pour le siège
Un chemin couvert
Qui ne craint ni la neige,
Ni le froid de l'hiver,
Fusils ni mousquetons,
Ni bombes ni canons;
Ne m'épouvantez pas,
Je vais franchir le pas.
— Vous me parlez bien rude,
Fort jeune écolier,
Car pour avoir d'étude,
Faut se fortifier.
Retournez à Paris.
Avec votre Régent,
Car pour avoir Goni,
Il faut être savant.
J'ai fait toutes mes classes
Dedans le latin,
Je vais prendre pour place
La ville de Turin.
C'est là que j'apprendrai
A nous bien retrancher,
Je m'en vais de ce pas
Pour vous décantonner.
Barbier-Vernillat, III, 126-27