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Les Ennuis de la reine de Hongrie

Les ennuis de la reine de Hongrie
Reine d’Hongrie, avouez,
Malgré votre humeur altière,
Que le jeu que vous jouez
A rire offre peu matière :
Ce jeu ruineux, hélas !
Dites-nous vrai, vous ne l’aimez guère ;
Car tout ça ne vous réjouit pas :
Hélas ! vous ne l’aimez pas.

L’Autriche depuis longtemps
Avait mis l’aigle en fourrière ;
L’oiseau prend la clef des champs
Et change enfin de volière1
Autre part que dans vos lacs.

Vous vivez bien ric-à-ric
Depuis qu’en sa gibecière
Notre cousin Frédéric
Mit la Silésie entière2 :
Ce roi dont nous faisons cas,

Georges3 , dans les Pays-Bas,
N’a pas trop bien fait la guerre ;
Pour l’amour de vos États,
Il rançonne l’Angleterre,
Et, malgré tous ses ducats,

Demont, Fribourg ont sauté,
On recule vos frontières ;
Et Louis de tout côté
Vous taillera des croupières ;
Charles4 , à ce nom, chapeau bas.

Nous faisons Gaudeamus,
Paris, Madrid sont compères ;
Philippe, de plus en plus,
Et Louis deviennent frères :
Ce nœud qui ne rompra pas ;

Nous avons l’infante enfin,
Qui nous est déjà bien chère5  ;
Nous avons un beau Dauphin
Qui la fera bientôt mère :
Et tout ce petit tracas,

Nous pouvions vivre en paix tous ;
Mais vous avez fait la fière.
Peut-être y reviendrez-vous
Toute belle la première :
Cette paix pleine d’appas,

Vous ne me répondez rien,
La vérité vous fait taire ;
Je vous la dis pourtant bien ;
Et la voilà nette et claire ;
Mais c’est là votre embarras,
Dites-nous vrai, vous ne l’aimez guère,
Car tout ça ne vous réjouit pas ;
Hélas ! vous ne l’aimez pas.

  • 1Allusion à l’élévation au trône impérial de l’électeur de Bavière Charles‑Albert. Après la mort de cet empereur la dignité impériale revint à la maison d’Autriche, l’époux de la reine de Hongrie fut élu le 13 septembre 1745. (R)
  • 2« Le roi de Prusse avait commencé l’attaque des pays héréditaires de la maison d’Autriche par la conquête de la Silésie. Il n’y eut jamais de coup si téméraire, car la maison d’Autriche est implacable par principe, et il devait craindre qu’elle ne fît de lui un exemple effrayant comme de tant d’autres princes vassaux de l’empire qui ont osé se tourner contre elle. » (Mémoires Du marquis d’Argenson.) (R)
  • 3Le roi Georges II, allié de Marie‑Thérèse. (R)
  • 4Le prince Charles de Lorraine, beau‑frère de Marie-Thérèse. (R)
  • 5L’infante d’Espagne, fille de Philippe V, qui avait épousé le Dauphin à Versailles, au mois de février. (R)

Numéro
$1019


Année
1745




Références

Raunié, VII,47-50 - Clairambault, F.Fr.12713, p.54-55 - Maurepas, F.Fr.12648, p.49-52