sans titre
Charles et Frédéric, animés par la gloire,
Se disputaient un jour au piquet la victoire.
Charles avait la quinte et le quatorze en main ;
C’était gros jeu vraiment, et sans être trop vain,
On peut bien se flatter de gagner la partie.
Aussi l’Autrichien chantait déjà fort haut,
Sans penser que son jeu cachait un grand défaut :
Dans la prospérité fort souvent on s’oublie.
Que ce soit par fraude ou hasard,
Il avait pris dans son écart
Un roi qui faisait son affaire ;
Mais Frédéric qui, comme on sait,
Est un fin joueur de piquet,
Profitant aussitôt du moment favorable :
« Le roi de trop, dit-il, vous portera malheur.
Vous ne compterez rien, Charles ; je suis vainqueur,
Et je vous fais capot sur table. »
Marville, II,116