Les exploits de Noailles1
Le grand Midas2 , dont Rousseau
A si bien fait l’éloge,
Du haut du clocher d’Haguenau
Criait au prince Charlot3 :
Déloge, déloge.

Quand il le voit delà l’eau
Il descend en personne,
Et le fer hors du fourreau
Il fait signe du chapeau
Qu’on donne.

Il était nuit, et pendant
Qu’il disait des patenôtres
On se bat, on tue, on prend
Prisonnier un régiment
Des nôtres.

Il croit s’être bien battu,
Lui-même il s’en étonne,
Mais personne ne l’a cru ;
On lui connaît la vertu
Moutonne.

Ce moderne Josué,
Au fort de sa conquête,
Criait au soleil couché :
Je n’ai pas assez tué,
Arrête, arrête !

• 1 - Le maréchal de Noailles avait suivi le roi de Flandre en Allemagne, où il reçut le commandement de l’armée du Rhin, à la place du maréchal de Coigny. (R)
• 2C’est le sobriquet sous lequel J.‑B. Rousseau avait désigné le maréchal de Noailles dans ses pièces satiriques. (R)
• 3Il commandait l’armée de la reine de Hongrie, qui passa le Rhin le 1er juillet et le repassa le 23 août. (M.) C’était le prince Charles‑Alexandre de Lorraine, beau-frère de Marie-Thérèse, gouverneur général des Pays‑Bas et grand‑maître de l’ordre teutonique. (1712‑1780.) (R)