La Maladie du roi
Chanson au sujet de la maladie du Roi1
Lorsque la funeste nouvelle
Se fut répandue dans Paris
Que la mort menaçait Louis,
La douleur fut universelle,
Chacun s’écria plein d’effroi :
Grand Dieu ! sauvez notre bon Roi2
.
L’époux dans l’ardeur qui l’enflamme
Répétait en bon citoyen :
Je vous abandonnne mon bien,
Seigneur ! prenez aussi ma femme,
Mais il criait avec effroi :
Grand Dieu ! sauvez notre bon Roi.
Non moins que lui sa femme tendre
Ayant le cœur tout consterné :
L’époux que vous m’avez donné,
Seigneur, vous pouvez le reprendre,
Mais criait-elle avec effroi :
Grand Dieu ! sauvez notre bon Roi.
Le nouvelliste qui ne songe
Qu’au roi, qu’à son cruel destin,
Et sur l’Escaut, et sur le Rhin,
Ne débitait aucun mensonge,
Mais il criait avec effroi :
Grand Dieu ! sauvez notre bon Roi.
Le Blanc et le Noir3
que rassemble
Un même vœu dans un couvent,
Qui se chamaillent si souvent
Se réunissaient tous ensemble
Pour s’écrier avec effroi :
Grand Dieu ! sauvez notre bon Roi.
Suppôts de Quesnel et d’Ignace4
,
Vous fûtes d’accord cette fois
Et l’on vous vit unir vos voix
Pour demander la même grâce,
Tous ils criaient avec effroi :
Grand Dieu ! sauvez notre bon Roi.
L’Académie alors très sage
Ne fit aucun brillant discours ;
Son éloquence de nos jours
N’éclata jamais davantage
Qu’en s’écriant avec effroi :
Grand Dieu ! sauvez notre bon Roi.
On suspendit les mouvements,
Rabon5
oublia ses amants
Et Maupertuis6
ses satellites
Pour s’écrier avec effroi :
Grand Dieu ! sauvez notre bon Roi.
Mon médecin, chose incroyable,
Me quita par dévotion
Et tant qu’il fut en oraison
Mon mal fut moins considérable.
Je criais à plus haute voix :
Grand Dieu ! sauvez notre bon Roi.
Ah ! le Ciel se rend à nos larmes.
Miracle ! Louis est sauvé !
Que le Très-Haut en soit loué.
Il a dissipé nos alarmes.
Disons maintenant sans effroi :
Grand Dieu ! sauvez notre bon Roi.
Des financiers l’âme cruelle
Sentit quelque bon mouvement.
Il oublia en ce moment
Le faux tabac et la gabelle
Pour s’écrire avec effroi
Grands dieux, sauvez notre bon Roi7 .
- 1 - « Le 7 de ce mois (août), le Roi est tombé malade à Metz. Il a eu la fièvre qu’on a d’abord regardée comme fièvre d’accident et de fatigue… Cette fièvre est devenue fièvre maligne, infiniment dangereuse ; du 11 jusqu’au 14 il a été à toute extrémité et plus de cinq heures sans parole et sans connaissance. La nuit du 14 il arriva un courrier portant la nouvelle que le Roi avait reçu tous les sacrements et ordre à la Reine, à M. le Dauphin et à Mesdames de partir surlechamp pour Metz auprès du Roi qui avait demandé à les voir. (Cette nouvelle a mis Paris dans une consternation et une alarme qu’on ne peut exprimer. » (Journal de Barbier.) (R)
- 2« Depuis lundi 17, tous les jours, matin et soir, la poste a été remplie et investie de monde, les commis ne savaient à qui répondre ; il est arrivé des courriers tous les soirs qui ont dit que le Roi allait mieux, et pour satisfaire l’ardeur des habitants de Paris, on a pris le parti de faire des bulletins affichés en plusieurs endroits de la cour de la poste et même aux portes des ministres. On peut dire que le Roi n’aura jamais une occasion plus marquée et plus éclatante de l’amour et de l’attachement de son peuple. » (Journal de Barbier.) (R)
- 3Les moines (M.) (R)
- 4Les jansénistes et les molinistes (M.)
- 5Danseuse à l'Opéra (M.) (R)
- 6Moreau de Maupertuis, de l’Académie des sciences. (M.) (R)
- 7Couplet ajouté par BHVP, MS 556.
Raunié, VII,25-28 - Clairambault, F.Fr.12711, p.135-37 - Maurepas, F.Fr.12647, p.190-92 - F.Fr.10477, f°86-87 - F.Fr.13658, p.43-45 - F.Fr.15134, p.904-09 -F.Fr.15140, p.203-06 - NAF.9184, p.389-90 - BHVP, MS 555, f82r-83r - BHVP, MS 556, p.121 - Mazarine 3988, p.427-28
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