Aller au contenu principal

Sans titre

En sept cent quarante-deux

Notre bravache Belle-Isle1

Dit au Roi : Je suis fougueux

Et grand abatteur de quilles.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Cette Reine si fertule,

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Et la mettons à quia.

 

J’ai fait faire un beau portrait

De cette Reine en peinture.

On dit qu’il est trait pour trait,

Sa ressemblance figure.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la,

Arrachons-lui sa parure.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Et la mettons à quia.

 

L’un lui tire son fichu,

L’autre arrache sa chemise

Pour qu’on lui voie le cu.

Chacun dépouille à sa guise.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la,

Usons ici de main mise.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Et la mettons à quia.

 

Si je suis le général

D’une redoutable armée,

Je lui ferai bien du mal,

La rendrai bien alarmée.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la,

C’est une reine en idée.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Et la mettons à quia.

 

Mailly sans autre examen

Dit, il a bien raison, Sire,

On ne peut dire qu’amen

A ce qu’il vient de vous dire2 .

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Cette Reine et son empire.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Et la mettons à quia.

 

Fourquet sur ce répliqua :

J’ai ce projet dans la tête.

Plus à craindre qu’Attila

Je réponds de la conquête.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

C’est une reine gilette [sic]

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Et la mettons à quia.

 

Sire, avec mon bras vainqueur,

Vous pouvez fort à votre aise

Faire élire un empereur

Sans bouger de votre chaise.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Cette Reine si mauvaise.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Et la mettons à quia.

 

On conclut tant bien que mal,

La chose fut résolue,

On fait monter à cheval

On crie partout, tue, tue.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Ma foi, la Reine est foutue.

Dépouillons, dépouillons, dépouillons-la

Et la mettons à quia.

 

En sept cent quarante-trois

On voit bien tourner la chance,

Au moins cent mille François

Meurent de faim, d’indigence,

Enfuyons, enfuyons, enfuyons-nous

Et regagnons notre France.

Enfuyons, enfuyons, enfuyons-nous

Tout est sans dessus dessous.

 

Belle-Isle, la pelle au cu,

Le premier court à Versailles,

Dit au Roi, tout est perdu.

Nous n’avons rien fait qui vaille.

Enfuyons, enfuyons, enfuyons-nous

Qui le voudra se chamaille.

Enfuyons, enfuyons, enfuyons-nous

Tout est sans dessus dessous.

 

Broglie revient à son tour,

Va tout droit à son village

Et par ordre de la Cour

Coigny va voir le tapage3 .

Enfuyons, enfuyons, enfuyons-nous

Et sauvons notre bagage.

Enfuyons, enfuyons, enfuyons-nous

Tout est sans dessus dessous.

 

Par bonheur pour nous le Rhin

Est une bonne barrière,

Mais si l’on le passe enfin

Nous aurons les étrivières.

Enfuyons, enfuyons, enfuyons-nous

Gagnons nos gentilhommières.

Enfuyons, enfuyons, enfuyons-nous

Tout est sans dessus dessous.

 

  • 1Le maréchal de Belle-Isle, la seule cause de tous nos maux.
  • 2Madame de Mailly, lors maîtresse du Roi, et qui mit le maréchal qu’elle favorisait en crédit.
  • 3Le maréchal de Broglie fut rappelé et s’en alla droit à sa terre ; celui de Coigny fut envoyé à sa place, on n’en a point dit le sujet ; à l’égard du portrait dont il est parlé, c’est une mauvaise figure de la Reine de Hongrie qu’on dit qu’on a vendu à Paris où il était représenté, et chacun lui arrachait un ajustement, en sorte qu’étant presque nue, elle mit la main sur son devant et dit qu’on me laisse au moins le pays bas. Il est bon pour entendre cela de savoir que sur chaque pièce de son ajustement était écrit le nom des royaumes et provinces qu’elle possédait, sur l’un la Moravie, sur l’auteur la Silésie, etc.

Numéro
$6581


Année
1743




Références

Mazarine Castries 3988, p.