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Une Descente des Anglais

Une descente des Anglais1
Messieurs de Lorient, ne songeant point à mal,
Allaient se promener à la tour du fanal ;
Lorsque sur le canal,
Ils virent l’amiral
Du roi électoral2
Leur préparer le bal3 .

Pour aller au-devant on n’avait point d’esquif,
Et l’on n’a pour attendre aucun préparatif ;
Quelques soldats rétifs,
Et plus d’un chef craintif4 ,
Pour tout préservatif
Un mur des plus chétifs.

Bientôt de tout côté on sonne le tocsin,
Et chacun alarmé tremble pour son butin.
L’un, la fourche à la main,
D’un air de paladin,
Au rivage prochain
Va narguer le destin.

L’autre, avec une pioche autour de son terrain,
Tourne un retranchement que dessine un robin5 .
On roule sur son train
Un canon assassin,
De loin le citadin,
Tranche du spadassin.

C’en est fait, on débarque en ce fatal moment,
Le téméraire Anglais avance effrontément ;
Trois mille paysans
Avec deux régiments,
Dans la ville en courant
Rentrent fort prudemment.

On craint que sur leurs pas l’Anglais, vif et brutal,
Ne brusque Lorient malgré son arsenal ;
Mais ce n’est pas un mal
Dans ce moment fatal,
Il manque un général
Et voici L’hôpital6 .

Ce héros, emporté sur un cheval fort doux,
A l’autre bord du port s’arrête parmi nous ;
Des Anglais ! aux genoux,
Dit-il, prosternez-vous,
Apaisez leur courroux
Pour éviter leurs coups.

Prévoyant le succès d’un si funeste avis,
Dont chacun jusqu’au maire eut lieu d’être surpris,
Et Plutus et Thémis7
Ont fui crainte d’être pris,
Non des fiers ennemis,
Mais de lâches amis.

L’Anglais obligeamment fit la sommation,
Pour prévenir du moins la députation.
De proposition
Il est peu de question,
Prendre à discrétion
Est la condition.

Le conseil assemblé, chacun parle à son tour :
Quittons, dit L’hôpital, ce malheureux séjour.
Quel étrange discours ! Répondit d’Heudicourt8 ;
Ah ! plutôt de nos jours
Voyons trancher le cours.

Des deux côtés on craint le plus funeste sort,
Et dans la nuit on fait un généreux effort ;
Mais quand L’hôpital sort,
Portant les clefs du fort,
Par un divin accord
Sinclair9 fuit vers son bord10 fuit vers son bord11 .

Français, et vous Anglais, réunissez vos vœux
Pour remercier Dieu d’un secours merveilleux ;
Les cœurs trop généreux
Font un carnage affreux ;
En vous rendant peureux
Ils vous sauvent tous deux.

  • 1 Autre titre: Chanson sur la descente des Anglais en Bretagne (Arsenal 3133) - Au sujet de la descente des Anglais à Polduc, près Lorient, en Bretagne, le 1er octobre 1746 ; ils se sont rembarqués le 7 à 10 heures du soir. (M.) (R)
  • 2 Le roi d’Angleterre, électeur d’Hanovre. (M.) (R)
  • 3Ces chansons ont été faites sur la descente des Anglais sur les ports de Bretagne et, quoiqu’en disent les premiers couplets, il est vrai qu’ils se sont rembarqués à plusieurs reprises, mais ils côtoient toujours nos ports et font tous les jours de nouvelles descentes (Castries)
  • 4M. de Volvire. (Castries)
  • 5M. de Montaran (Castries)
  • 6Colonel d’un régiment de dragons de son nom. (M.) (R)
  • 7Le directeur de la compagnie des Indes et M. de Montaran, conseiller au Parlement et commissaire de ladite Compagnie. (Castries)
  • 8Colonel d’un régiment. (M.) (R)
  • 9Général des Anglais qui commande ces troupes de débarquement. (M.) (R)
  • 10 - Ces troupes se sont rembarquées le 7, à 10 heures du soir, après un combat dans lequel il y a eu 5 à 600 hommes tués ou blessés. Ils ont laissé sur le champ de bataille quatre pièces de canon et un mortier. (M.) (R)
  • 11On dit que M. de l’Hôpital alla pour remettre les clés à M. de Sainclair qui commandait les Anglais, mais qu’il était déjà rembarqué (Castries).

Numéro
$1031


Année
1746




Références

Raunié, VII,76-80 - Clairambault, F.Fr.12715, p.171-74 -Maurepas, F.Fr.12649, p.341-44 -  F.Fr.10477, f°295-96 et  f°324-25 - F.Fr.12675, p. 517-21 - F.Fr.13658, p.119-22 - F.Fr.15142, p.136-40 - Arsenal MS 3133, p.662-64 - BHVP, MS 550, f°61v-62r - Mazarine Castries 3989, p.227-31