Sans titre
Apprenez le sort rigoureux1
Et le destin malencontreux
D’une entreprise téméraire
Qui va recevoir le salaire
D’avoir osé braver les cieux
En dépouillant le malheureux2
.
Après la mort de l’Empereur3
On crut que notre directeur
Prendrait un parti raisonnable
En séparant au préalable
Des Pays-Bas dont le vainqueur
Eût joint nos droits à notre honneur.
Mais il fallait pour cet effet
Avoir médité ce projet
En conservant toujours en France
Bons généraux, soldats, finance.
Il suivit tout autre sujet :
La paix fut son plus cher objet.
Elle a pour lui de grands atttraits
Car il y brille à peu de frais.
Bellone et sa troupe guerrière
Jamais ne lui convinrent guère.
Aussi de nos glorieux faits
Vous allez voir tous les effets.
Il dissipa tout notre argent ;
Chacun en eut son contingent.
Pour rendre la paix éternelle
Il eût engagé sa prunelle ;
Mais le Ciel réglait autrement
La fin de son gouvernement.
Un empirique opérateur4
Est venu dire : Monseigneur,
Au milieu de la Germanie
Vous pouvez sans tant de folie
Vous ériger en précepteur
Et d’un partage être l’auteur.
Ce projet, dit-il, est charmant,
Plein de désintéressement,
Car il est clair sans rien feindre,
Rien gagner, mais tout à craindre
Vienne est perdu incessamment
Ou vos soldats, ou votre argent.
L’auxiliaire jonction
Va mettre tout à la raison.
Oh ! l’admirable stratagème,
L’Europe en jugera de même.
S’il nous arrive trahison,
Nous reviendrons à la raison.
Tout ce dessein mal concerté,
Enfant de la timidité,
Fut accompagné de lésine.
Elle en préparait la ruine.
Un prince nous a désertés ;
Ne s’en était-on pas douté ?
Pendant ces opérations
On voit toutes les nations
Nous donner force croquignoles
Ainsi qu’aux troupes espagnoles.
L’Empereur est sans ducaton,
Sans État, tente ni maison.
Mais, dieux ! quel spectacle effrayant :
Prague nous montre à chaque instant
Tous nos Français prêts à se rendre.
Que de clameurs se font entendre,
Le fer, le feu, dans un moment
Vont achever le monument.
Tremblez, Ô pauvres nations,
Quelle horreur, quelle affliction !
Vous touchez à la décadence.
Quel prix en aurez-vous en France ?
En l’honneur de la passion
Souffrez votre destruction.
F.Fr.15134, p. 592-96 - Arsenal 3117, f°15r-16r - Mazarine Castries 3988, p.110-14