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sans titre

M. de Thiers1

Avant que Gassion vous parle par ma voix,

Souffrez que j’ose ici me flatter de son choix2

Et que plein de ma gloire à vos yeux je me targue

D’être entré le premier dans la ville de Prague3 .

Car il est en effet pour Thiers assez doux

Parmi tant de héros d’être choisi sur tous.

Comme en l’art de parler je suis fort ordinaire,

Je vais vous haranguer, Seigneur, en militaire.

Verrez-vous de sang-froid arriver l’Électeur ?

Le Prussien, le Saxon ne vous font-ils pas peur ?

Des peuples combinés, redoutez la licence,

De votre souverain éprouvez la clémence.

Rendez-vous, il est temps ; si j’étais gouverneur,

Je me garderais bien d’attendre le vainqueur.

 

Le gouverneur

La France en ma faveur est trop inquiétée.

A chercher Lokovitz4 je l’ai cru occupée.

Au reste sur l’éclat de son ambassadeur5

J’ai cru que des Français on m’envoyait la fleur.

Qui croirait en effet que pour cette entreprise

Gassion de Crozat6 employât l’entremise,

Qu’un peuple si fameux par son illustre sang,

Me fit sommer ici parle fils d’un traitant ?

Du sang autrichien je chéris ce qui reste,

Et mes soins…

 

M. de Thiers

L’Électeur peut vous être funeste.

Il vient…

 

Le gouverneur

Tant de prudence entraîne trop de soin.

Je ne sais pas prévoir l’Electeur de si loin7 .

Qu’il approche. S’il veut, ma ville est préparée

A soutenir du moins quatre jours de tranchée.

Rejoignez donc, Seigneur, votre détachement8 .

 

M. de Thiers

Je pars, mais entre nous, je ne suis pas content.

 

 

 

  • 1Voici une parodie sur M. le Marquis de Thiers et le gouverneur de Prague.
  • 2La délibération dura pendant un jour. MM. les maréchaux embarrassés sur le choix jetèrent enfin les yeux sur M. de Thiers, dont on connaît assez le mérite. Malgré les plaisanteries dont il est l’objet, on peut dire hardiment : Si le ciel n’a pas mis un sceptre dans sa main, Il ne doit pas rougir des fautes du destin.
  • 3Il est effectivement le premier qui y eût été introduit II était suivi d’un trompette et de son écuyer, car il a aussi un écuyer.
  • 4Voyez les gazettes d’octobre et de novembre.
  • 5Jamais rien de si paré que le cheval de ce seigneur, une selle et une housse d’une broderie et d’un goût aussi délicat que les habits de M. de Th., des étriers d’or massif. Il s’était fait poudrer en plein champ.
  • 6C’est le troisième des fils de Crozat.
  • 7Il n’était pas encore à Budweisse.
  • 8On avait caché la principale partie de son détachement, de façon que la ville à qui on voulait en imposer, ne voyait que 200 chevaux.

Numéro
$5937


Année
1741 décembre




Références

Clairambault, F.Fr.12709, p.351- Maurepas, F.Fr.12635, p.361-62 - F.Fr.15150, p.139-42 - Gastelier, IV,1, p.678-79