Brevet de calotte pour Mr Guéret, curé de Saint-Paul
Brevet de calotte pour M. Guéret, curé de Saint-Paul
De par le dieu porte-marotte,
À nos États de la Calotte,
De l’avis de leur parlement,
À nos amés du Régiment,
Amis de toute passion,
Salut, joie, dilection.
Ayant lu certain mandement
Pour finir du temps les matières,
Digne, par leurs fausses lumières,
D’avoir place en nos monuments,
Où l’on voit le prélat si fier
Dire oui, quoique non hier.
Noailles, si doux, si bénin,
Jadis disciple d’Augustin,
Et maintenant escobariste,
Délaisser la gent janséniste,
Contre ses premiers sentiments
Sans crainte d’entorse au bon sens,
Dogmatiser une chimère
Pour d’autant mieux plaire au Saint-Père,
Et aux prophètes de la Loi
Qui met la Sorbonne aux abois.
Bien informé que ce chef-d’œuvre
Est dû à la sage manœuvre
De Guéret, ce fameux curé,
Des siens ci-devant révéré,
Voulant récompenser son zèle
D’une calotine cervelle,
L’avons créé par ce brevet,
Sans qu’il soit besoin d’autre arrêt,
Pour services par lui rendus,
Aumônier des Enfants-Perdus.
Lui accordons le droit d’aubaine
Sur les fables ultramontaines.
Voulons que par La Tour tondu
Il puisse haranguer les pendus
Qui le seront pour faussaunage,
Fausse monnaie et fauchourage ;
Qu’il soit marqué sous sa chemise
De deux lettres pour sa devise :
Apostat et pélagien,
Car tel est cet homme de bien.
Lui donnons un passe-partout
Pour entrer entre chien et loup,
Sous le manteau d’un hypocrite,
Chez ses frères, les Loyolistes.
L’honorons d’une girouette
Pour s'être mis de la manchette.
Ajoutons à son écusson
Rats, souris, grelots à foison,
Et pour garantir du serain
Ce cerveau creux au front d’airain,
Lui donnons quadruple calotte
Le dispensons de confesser,
De prêcher, de catéchiser,
Comme de dire son bréviaire,
Usage ancien pour le vulgaire.
Étendons son pouvoir sur mer.
Voulons qu’il apprenne à ramer
Pour aller, s’il lui prend envie,
Fanatiser dans la Candie ;
Qu’il puisse y porter le turban
Et même y prêcher l’Alcoran.
Lui donons mille écus par an
Dessus la fumée des encens
Que présente à Confucius
La secte de Filucius
Signé Saint-Martin et Aymon
Tenant leur calotte de plomb.
Vu au Conseil, signé Fleuriau,
Et permis d’imprimer, Hérault.
1754, V, 91-93 - F.Fr.9353, f°180r-181r - F.Fr.12654, p.235-237 - F.Fr.12785, f°144 v-145v - F.Fr.15014, f°173r-176r - F.Fr.13662, f°145r-146r - F.Fr.15144, p.470-75 - F.Fr.25570, p.701-703 - Arsenal, 3359, p.240-243 - Mazarine, 3971, p.84-89 - Sainte-Geneviève, MS 908, f°15 - Bordeaux BM, MS 700, f°329r-331v - Grenoble BM, MS 587, f°103r-104r - Lille, BM, 63, p.336-351