Aller au contenu principal

Les Talents de Calonne

Les talents de Calonne1
Qu’on aime tant qu’on voudra2
Les ballons et l’Opéra ;
Qu’on parle de politique,
Du fluide magnétique,
Sans s’intéresser à rien,
C’est bien,
C’est bien,
On n’est pas Français pour rien ;
Mais moi, qui bonnement raisonne,
J’aime Calonne.

Demandez au roi Louis,
S’il n’est pas de mon avis :
Il dira : Ma bourse est pleine ;
Calonne, sans soins ni peine,
Me rend riche et généreux,
Corbleu,
Morbleu,
Malheur à ses envieux !
Chantez le refrain que je donne :
J’aime Calonne.

L’Amour, ce malin enfant,
Dit qu’il est un peu friand ;
Est-ce un crime, je vous prie,
Que d’aimer la sucrerie ?
Henri quatre l’aimait bien,
C’est bien,
C’est bien,
J’entends ce petit vaurien,
Qui dit à la race bourbonne :
Aimez Calonne.

O Français, mes bons amis !
Trop aimables étourdis,
Jadis, dans votre délire,
Ce Calonne qu’on admire
N’était, ma foi, propre à rien.
Eh bien !
Eh bien !
Bénissez votre destin ;
Tout, jusqu’à la gent bretonne3 ,
Aime Calonne.

Feu Necker, dans son métier,
Se croyait un grand sorcier ;
Mais amis, cela peut être,
Mais Calonne est bien son maître,
Soit dit sans être flatteur,
D’honneur,
D’honneur,
Car il est un enchanteur :
C’est le mot qu’a dit Antoinette4 ,
Qu’on le répète.

  • 1M. de Calonne succéda à M. d’Ormesson, comme contrôleur général, au mois de novembre 1783. Il avait été successivement avocat général au conseil d’Artois, procureur général au Parlement de Douai, maître des requêtes et intendant de Valenciennes. « Je l’ai connu, écrivait le duc de Lévis aux différentes époques de sa vie ; je l’ai toujours vu spirituel, léger, brillant, rempli de grâces et de goût, aimable dans toute la force du terme, parce qu’il ne l’était jamais aux dépens de personne. Sa figure était agréable, sa taille bien prise, sa politesse était noble et aisée ; il n’avait ni hauteur ni importance, et c’est le seul homme de robe que j’ai vu sans cette espèce de gravité empesée qui ne choque point dans les magistrats en fonctions, mais qui déplaît dans la société, dont le naturel fait tout le charme. Il avait de l’élégance dans les manières, de la galanterie, et personne ne s’entendait mieux que lui à la décoration d’un appartement et à l’ordonnance d’une fête… Il avait un esprit vif, étendu, et une extrême facilité pour le travail ; mais il s’y fiait trop et donnait au plaisir des heures précieuses qui formaient au bout de la semaine un déficit de temps aussi difficile à combler que celui du Trésor, et qui contribuait à l’augmenter » (Souvenirs et portraits.) (R)
  • 222 janvier — Voici la chanson en l’honneur de M. de Calonne que ses ennemis voudraient faire passer pour une ironie, ce qui la rend assez rare. Cependant l’auteur semble de bonne foi. On en jugera. Sur l’air : que le sultan Saladin (Mémoires secrets) - Voici sur l’air à la mode des couplets moins mauvais que les autres (CSLP).
  • 3« M. de Calonne, devenu maître des requêtes et placé dans la sphère de l’intrigue, avait cherché à entrer en scène et à jouer un rôle dans tous les événements ; mais il s’y était porté avec une imprudence qui, dès son début l’avait fortement compromis. Dans le procès de M. de La Chalotais, d’abord son confident, puis son accusateur légal, il avait par cette honteuse contradiction imprimé à sa réputation une tache qui ne s’est point effacée. » (Montyon, Particularités sur les ministres des finances.) (R)
  • 4Il ne semble pas, au contraire, que, dans les premiers temps de son ministère, le contrôleur général ait été bien vu par Marie‑Antoinette : « La Reine, raconte Mme Campan, n’ayant pu empêcher la nomination de M. de Calonne ne déguisa pas assez le mécontentement qu’elle en avait, elle dit même un jour chez la Duchesse, au milieu des partisans et des protecteurs de ce ministre, que les finances de la France passaient alternativement des mains d’un honnête homme sans talents dans celles d’un habile intrigant. M. de Calonne fut donc bien loin d’agir de concert avec la Reine tout le temps qu’il resta en place. » (R)

Numéro
$1561


Année
1785




Références

Raunié, X,170-72 - Mémoires secrets, XXVIII, 51-52 - CSPL, t.XVII, p.268-69