Brevet de la calotte pour le parlement d’Aix au sujet du jugement du P. Girard
Brevet de la calotte pour le parlement d’Aix
au sujet du jugement du P. Girard
De par le dieu porte-marotte,
Nous, général de la Calotte,
Ayant appris le jugement
Rendu le dix du présent
Par le parlement de Provence
Qui, sans égard à l’accointance
Qu’eut le ribaud Père Girard
Avec la pucelle Cadière,
De plus, dit-on, d’une manière,
Enfin la sauve du hasard
Du bûcher et de l’avanie
Que méritait son infamie.
A traité la subornation
Par lui faite en confession
D’une pure badinerie,
Et s’intéressant pour sa vie,
Pour plaire à la Société
Et sur cela sollicité,
L’a rendu net de sortilège,
D’avortement, de sacrilège,
Et pour encore autre raison
L’a rendu sain à sa maison,
Et par bonté pour La Cadière
En a chargé sa bonne mère ;
Et voulant conserver les droits
Que nous avons en tous endroits
D’examiner ce qui se passe,
Ceci, cela, les passe-passe,
Ce jourd’hui, dès le grand matin,
Avons sommé tout calotin
De se transporter pour affaires
À notre hôtel calotinaire
Pour y tenir notre conseil.
Soudain, d’un zèle sans pareil,
Tous nos sujets sans faire attendre
Sont vite accourus pour apprendre
Quelle subite occasion
Causait leur convocation.
Pour quoi, par notre secrétaire,
Nous avons fait d’une voix claire
Lire l’arrêt du parlement.
Mais il n’est rien de si plaisant.
À peine en a-t-on fait lecture
Qu’on crie : onguent pour la brûlure.
Chacun bénit le parlement
Et l’applaudit du jugement.
On est charmé d’y voir le crime
Manquer cette fois de victime
Par la grande amitié qu’on a
Pour les enfants de Loyola.
Il n’est qu’un certain dans la foule
Qui tout haut dit : On vous en coule,
Et tous vous donnez par auprès.
Examinons ceci de près :
La fille n’était pas novice ;
Elle a taxé par injustice
De cent crimes son confesseur,
Abandonnant toute pudeur.
Outre l’arrêt qui le fait croire,
Lisez de Girard le mémoire.
Ayant donc par méchanceté
A tort trahi la vérité,
Fallait pour lui apprendre à vivre
Et ne plus se laisser séduire
La faire pendre promptement.
Voilà, Messieurs, mon sentiment.
On lui répond par des huées ;
On lui lâche des billevesées,
Chacun le traite d’ignorant.
On veut le chasser sur-le-champ.
Pour apaiser un peu la chose,
On dit : ça, reprenons la cause.
Tant fait que, tout examiné,
Sur l’arrêt longtemps ruminé,
Nous décidons que nos confrères
D’Aix sont de très bons frères,
Qu’ils ont jugé très prudemment
Une aussi chatouilleuse affaire,
Et qu’ils n’eussent pu le mieux faire
En mandant tout le Régiment.
Partant, vu notre bienveillance
Pour le parlement de Provence
Qui, par ce beau trait de renom,
Vient d’immortaliser son nom ;
Par le pouvoir de la marotte
Duquel nous sommes revêtus,
Nous le nommons pour ses vertus
Le parlement de la Calotte.
Ordonnons à tous nos sujets
De lui porter tous leurs procès ;
Lui donnons droit par préférence
De juger en dernière instance.
Donné le lendemain du jour
Que par je ne sais quel détour,
Que cependant bien l’on devine,
Girard, si près de sa ruine,
Trouva de lâches protecteurs
Au lieu de justes sénateurs.
F.Fr.12800, p.401-04 - F.Fr.23859, f°80r-81r - BHVP, MS 602, f°290r-291v - Grenoble BM, MS 587, f° 69r-170v - Lille BM, MS 66, p.292-98