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Gémissements sur les maux présents de l’Église

Gémissements sur les maux présents de l’Église

Sur l’air (sic)

Que vois-je donc dans votre Église,

Hélas mon Dieu ?

Le grand dragon la tyrannise

Presque en tout lieu ;

J’y vois la Bulle de Clément,

Le Formulaire,

L’une est la bête assurément,

L’autre son caractère.

 

L’on n’apprend plus qu’injustice,

Menaces, effroi,

Exclusion de bénéfices,

D’ordres et d’emplois,

Qu’interdits, exils et prison,

Noire manœuvre.

Jésuite, support de dragon,

C’et ici ton chef-doeuvre.

 

D’Embrun l’infâme brigandage

Traite un prélat,

Le chrysostôme de notre âge

En scélérat.

Déjà sur le grand Montpellier

Gronde l’orage ;

Contre lui qui ne peut plier

L’Enfer s’en outrage.

 

De l’ancienne Sorbonne on chasse

Tout vrai docteur.

On n’y laisse qu’une carcasse

Qui fait horreur

De même l’on détruit

La sainte école ;

Toutes les sources l’on tarit

De la divine Parole.

 

Nos plus éclatantes lumières

Sous le boisseau

Font revoir en terre étrangère

Maint autre Arnauld.

Les soutiens de la vérité

Ou sont en fuite,

Ou réduits en captitivité

Pour prix de leur mérite.

 

Cher Desessarts, quel est ton crime ?

Chacun le sait,

La charité dont Dieu t’anime

Fait ton forfait.

Qu’un abbé nourrisse des chiens

En cour il brille,

Et toi, pour nourrir des chrétiens

Tu souffres la Bastille.

 

Mais qu’ont fait Joubert et Nivelle ?

Soyez surpris :

Ils ont expliqué, pleins de zèle,

Les saints Écrits.

Ne peut-on plus, t’interpréter

Sainte Écriture ?

Est-ce un mal d’en faciliter 

Au peuple la lecture ?

 

Louvard, ton zèle inestimable

Dans les déserts,

Paraît enore plus admirable

Parmi les fers.

Ton ardeur pour la vérité

N’est point rétive.

Elle est dans la captivité

Plus ardente et plus vive.

 

Pour la piété l’on soupçonne

Un crocheteur ;

On prend sa bourse, on l’emprisonne

Comme un voleur.

On frappe sans distinction

De sexe et d’âge

Tous ceux dont la religion

A l’erreur fait ombrage.

 

Les ministres zélés des chaires

Sont interdits ;

Les bons écrits tirés des Pères

Sont tous proscrits

Leurs pieux auteurs et imprimeurs

En téméraires

Sont punis comme malfaiteurs,

Jugés par commissaires.

 

Dans un noir cachot l’on te jette,

Cher Baudrier ;

Plus barbarement l’on t’y traîne

Qu’un meurtrier ;

La sagesse avec toi descend

Dedans la fosse

Le carcan te rend bien plus grand

Que le sceptre et la crosse.

 

Grillet s’expose à ton exemple

Après Vaillant.

Des captifs la liste est très grande :

Passons, Serlan,

Tailly, Trois, Galard, Samson,

Dille et Bertière,

Les Dames Le Roy, Theodon,

Le Blond, Journelle, Fillère.

 

Les avocats de l’innocence

Sans intérêt

Prennent hautement la défense ;

Mais un arrêt

De mauvaise foi fabriqué

Dans les ténèbres, 

A contre tout droit attaqué

Ces auteurs si célèbres.

 

Le démon par pure malice

Vient d’inventer

Un nouveau genre de supplice

Pour nous tenter ;

On nous livre à des cordeliers,

A des jésuites,

Plus cruels que des geôliers.

Faibles, prenez la fuite !

 

Je vous plains, épouse fidèle

Du Saint-Esprit,

On vous arrache de la mamelle

Dee Jésus-Christ ;

On vous prive dans les prisons

Des choses saintes ;

On vous traîne hors de vos maisons

Sans écouter vos plaintes.

 

Fidèles frémissez de crainte,

Vos directeurs

Vous entraînent par contrainte

A vos pasteurs ;

Vous êtes livrés à des loups ;

Pour vous conduire

Ils paraisent bénins et doux,

Mais c’est pour mieux séduire.

 

Ces loups font régner l’ignorance,

La fausse paix,

Elargissons la conscience,

Plus de délais

Dans ce faut et fatal repos

Nulles alarmes ;

Mais suivrons d’effroyables maux,

D’intarissables larmes.

 

Aux âmes justes et régulières

D’autre côté,

Ils retranchent les saints mystères.

Oh, cruauté !

Dans cet horrible archarnement

Nulle n’est sûre

A la mort point de sacrement

Même de sépulture.

 

Serez-vous toujours en colère,

Dieu de douceur ?

Exterminerez-vous la terre

En Dieu vengeur ?

Envoyez Élie extirper

Ces maux extrêmes,

Pour vous empêcher de frapper

La terre d’anathème.

 

Préservez-nous par notre grâce, 

Ô Dieu sauveur,

Des loups qui singèrent en place de vos pasteurs.

Plutôt mourir que d’accepter

La Bulle inique

Que l’on voudrait bien suggérer

A la foi catholique.

 

Saints confesseurs, par vos prières

Soutenez-nous ;

Par votre exemple et vos lumières,

Gardez-nous tous

Unis à vous par charité,

Dans vos souffrances,

Nous aurons dans l’éternité

Part à vos récompenses.

Numéro
$7087


Année
1727 ?




Références

BHVP, MS 602, f°52r-54r