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Le Nouveau spectacle

Le nouveau spectacle1
Sur le théâtre de nos riens,
A nos pauvres Italiens
On a joint l’Opéra-comique ;
On s’avise fort bien de tout :
Ce triomphe de mauvais goût
Est digne de cette boutique.
Tôt, tôt, tôt, Audinot2 ,
La Ruette,
Vont nous guérir de l’ariette.

Je vois déjà mettre Clairval,
Au moins à côté de Grandval,
C’est un acteur inimitable,
Dont le public est entiché ;
Bientôt cet amant déhanché
Va nous paraître détestable.
La Deschamps,
La Neisselle,
Le jeu n’en vaut pas la chandelle.

On est excédé de Rochard3 ;
Les grimaces de la Favart
Sur la scène ne font plus rire.
Messieurs, animez les talents4 ,
Mais à juger soyez plus lents,
On ne vous entendra plus dire :
Quelle actrice !
Tout est vogue, tout est caprice.

De ce mélange original
On peut, sans en juger trop mal,
Vous faire aujourd’hui l’analyse.
Écoutez, messieurs, la voici :
C’est un composé de Corby,
De quatre ducs et de Bélise.
A cela, la la,
Que veut-on que l’on dise ?
C’est le règne de la sottise.

  • 1 - L’Opéra Comique et les Italiens furent réunis à la fin du mois de janvier. « Après plusieurs conseils des dépêches, il est décidé que l’Opéra-Comique est supprimé, que le fond des pièces appartiendra à la Comédie Italienne et que ce genre de spectacle sera subordonné comme les deux Comédies à l’inspection des gentilshommes de la Chambre… Jamais les Italiens ne s’étaient vus assiéger par une foule pareille. C’était une fureur dont il n’y a pas d’exemple ; des flots de curieux se succédaient sans interruption et débordaient dans toutes les rues voisines. » (Mémoires de Bachaumont.) (R)
  • 2Les Mémoires de Bachaumont apprécient ainsi les acteurs de la nouvelle scène : « Nous trouvons dans Rochard un chanteur agréable ; il a de la propreté, du goût, il joue quelques rôles passablement. La Ruete répare à force d’art la nature la plus ingrate ; c’est un musicien consommé. On désirerait encore entendre Clairval sur le théâtre de l’Opéra‑Comique ; son filet de voix se perd sur celui des Italiens, on en voit assez pour regretter qu’il ne puisse faire davantage. Le robuste. Audinot rend au naturel la grossièreté des mœurs du peuple. Mme Favart est médiocre, elle a la voix maigre, manque de noblesse et substitue la finesse à la naïveté, les grâces à l’enjouement, enfin l’art à la nature… On devrait s’applaudir de l’acquisition de Mlle Neissel si sa voix voilée suffisait au lieu où elle chante. Elle a des grâces, du naturel, du goût, du sentiment, mais ses sons trop affaiblis, quand ils par­viennent à l’oreille, ne produisent plus qu’une demi‑sensa­tion. » (R)
  • 3Homme de rien qui ayant fait fortune, devint entrepreneur de l’Opéra‑Comique. (M.) (R)
  • 4Les ducs de Duras, d’Aumont, de Richelieu, de Fleury, gentilshommes de la Chambre, et Mme la marquise de Villeroy, sœur du duc d’Aumont (M.) (R)

Numéro
$1196


Année
1762




Références

Raunié, VII, 337-39