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Fragment d’une lettre au Roi de Prusse

Fragment d’une lettre au Roi de Prusse

Lorsque pour tenir la balance

L’Anglais vide son coffre-fort1 ,

Lorsque l’Espagnol sans puissance

Croit partout être le plus fort ;

Quand le Français vif et volage

Fait au plus vite un empereur,

Quand Bellile n’est pas sans peur

Pour l’ouvrier et pour l’ouvrage2  ;

Quand le Batave un peu tardif

Rempli d’égards et de scrupule,

Avance un pas, et deux recule

Pour se joindre à l’Anglais actif3  ;

Quand le bonhomme de Saint-Père

Du haut de sa sainte Sion

Donnne sa bénédiction

A plus d’une armée étrangère4 ,

Que fait mon héros à Berlin5  ?

Il réfléchit sur la folie

Des conducteurs du genre humain,

Il donne des lois au destin

Et carrière à son grand génie ;

Il fait des vers gais et plaisant,

Il rit en donnant des batailles ;

On commence à craindre à Versailles

De le voir rire à nos dépens.

  • 1L'Angleterre venait de verser à l'Autriche une forte aide financière.
  • 2Belle-Isle avait assuré l'élection du nouvel empereur, Charles VII. Sa santé par ailleurs donnait de vives inquiétudes.
  • 3Les Hollandais hésitaient à entrer dans la guerre.
  • 4Le pape ne pouvait qu'être placé devant le dilemme d'une guerre opposant des nations également catholiques.
  • 5Il venait d'envahir la Silésie, donnant le signal des hostilités.

Numéro
$7614


Année
1743 avril

Auteur
Voltaire



Références

Voltaire, Oeuvres complètes, t.28b, p. 447-49.