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Sans titre

Or écoutez, petits et grands,
Venez entendre le récit
D’une histoire affreuse et certaine,
Des sénateurs de Melpomène
Rendant à des filles en rut
Des honneurs dus à Belzébuth.

La fille de la Castelnau
Et la fringante Camargo,
La Duval, le Bref et la Bulle,
Filles au-dessus du scrupule
Se servent indifféremment
Et du derrière et du devant.

Ils furent après l’opéra,
Avec cet escroc de Campra,
Au magasin trouver Gruere
Soyez les bienvenues, mes chères,
Parbleu, vous souperez ici
Royer, Margnac y sont aussi

En soupant on but largement
D’un bourguignon assez friand.
Comme la chaleur était forte,
On fit ouvrir fenêtre et porte,
On se déshabilla tout nu
Sans s’embarrasser d’être vu.

D’abord l’aimable Pélissier
Étalant son flasque fessier,
Des tétons mollets et sans grâce,
Un ventre qui fait la grimace,
A cru très bien dédommager
Celui qui donnait à souper.

Mais pour le mieux faire enrager,
Sans se faire beaucoup prier,
La Camargo, toute de zèle,
Plus jeune et bien plus fraîche qu’elle,
Nue et montrant tous ses appas
A faite [sic] plusieurs entrechats.

La Bulle1 , avec dévotion,
Imitant leur discrétion
Défit blanc jupon et chemise
Leur a fait voir avec franchise
Certain endroit dont la grandeur
A saint Christophe aurait fait peur.

De crainte leur chef hérissant,
Chacun recule en frémissant.
Las de voir cette horrible ornière
On lui fit tourner le derrière
Et dédaignant son el agnus
Tous vinrent baiser son anus.

Avec ses lunettes Campra
Attentif, regardait cela.
Et se sentant toujours à Rome,
En vieux citoyen de Sodome,
Si Royer ne l’eût empêché,
Sans doute l'eût gomorrhisé.

Mais brûlante d’en faire autant2
La Camargo vint à l’instant
Étaler sa gente nature,
Manon de dépit en murmure
Et dit, prête à se courroucer :
Par moi l’on devait commencer.

 

Son ami Royer l’apaisa3 ,
Sur la parole il la baisa,
Puis l’ajustant à la levrette,
Chose incroyable et malhonnête,
Sans avoir horreur du péché,
On dit qu’il l'a gababuché.

Or prions le doux rédempteur
Qu’il convertisse le pécheur,
Aussi bien que la pécheresse.
Espérons tous du bon Jésus
Qu’il perdra les Philotanus.

 

  • 1Actrice ainsi nommée car on la disait fille d'un nonce en poste à Paris.
  • 2Clairambault n'a pas cette dernière strophe et la remplace par celle-ci qui se raccorde d'ailleurs mal avec ce qui précède: Or prions le doux rédempteur / qu'il convertisse les pécheurs / Aussi bien que les pécheresses. / Espérons tous du bon Jésus, / Qu'il perdra la Philotanus.
  • 3Les deux dernières strophes ne figurent que dans Clairambault.

Numéro
$3763


Année
1731 / 1734 (Castries)




Références

Clairambault F.Fr.12701, p.157-60 - Maurepas, F.Fr.12632, p.380-83 - F.Fr.15132, p.353-57 - F.Fr.15146, p.44-49 - Arsenal 2932, f°33r-35r - Arsenal 3116, f°105r-106r - Mazarine Castries 3986, p.128-31 -BHVP, MS 542, f°132-35 - BHVP, MS 548, p38-41 (manque dernier couplet) - Besançon BM, MS 561, p.112-14


Notes

On trouve plusieurs récits de qu’il fut convenu d’appeler le scandale du magasin de Saint-Nicaise. On peut distinguer au moins deux modes narratifs et musicaux.

L’un, fondé sur un timbre unique : soit Petite fronde ($3708), soit les Pendus ($3763)

L’autre, fonctionnant en mode pot-pourri sur 29 timbres ($3629) ou 40 ($3965).

Les quatre leçons proposent toutes un texte différent. En outre la version $3629 révèle de très profondes divergences entre Arsenal 2932 et Arsenal 3116, notamment pour ce qui est des timbres sur lesquels doivent se chanter les couplets.