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Sans titre

Toujours, toujours, il est toujours le même1

Jamais Robin ne connut le chagrin ;

Le temps noir ou serein,

Les jours gras, le carême

Le matin ou le soir

Dites blanc, dites noir,

Toujours, etc.

 

Il a pour lui cet air mâle qu’on aime

L’œil en arrêt,

Ferme sur le jarret ;

Plus souple qu’un fleuret,

Les reins à la dalème,

Frisé, haut en couleur,

Et pour sa belle humeur,

Toujours, etc.

 

Sur mon tambour brodant mieux que moi-même

Veux-je un fleuron,

Jamais il ne dit non ;

En plus d’une façon

Il sait faire son thème

S’il badine au feston

Quand il travaille au fond,

Toujours, etc.

 

Pour en juger il faudrait être à même ;

On n’a rien vu

Quand on ne l’a pas vu ;

Les filles de Jésus

Du couvent d’Angoulême

Ont plus d’un an vécu

Avec mon superflu

Toujours, etc.

 

Pour l’éprouver j’ai plus d’un stratagème ;

Je vois souvent

Qu’il vient le nez au vent ;

J’affecte en lui parlant

Une froideur extrême ;

Je change de propos,

Il fait mon dernier mot,

Toujours, etc.

 

Robin, dansons la danse que tant j’aime ;

Sans le presser

Robin vient se placer ;

Robin, j’en veux danser

Et seconde, et troisième ;

Je veux recommencer,

Je ne veux plus cesser.

Toujours, etc.

 

Comment, toujours ! dit un grand Monsieur blême.

On le croira,

Mais quand on le verra

Nos sœurs de l’Opéra

Résoudront ce problème ;

Messieurs, je n’en sais rien,

Ce que je sais très bien.

Toujours, etc.

 

Hier au soir, viens, dit-il, que je t’aime !

Robin, hélas !

Cela ne se peut pas,

A moi ! que d’embarras !

Parbleu le beau système ;

Porte ton compliment

Au nouveau Parlement.

Toujours, etc.

 

Enfin un jour, voyons, dis-je à moi-même,

Par mon labeur

Si j’en serai vainqueur ;

J’en arrachai le cœur,

Le lait après la crème,

Je lui tordis le bec,

Je le croyais à sec.

Toujours, etc.

 

Robin sur moi règne, a le rang suprême,

C’est par mon choix

Qu’il m’a donné des lois ;

C’est la leçon des rois.

Leur sceptre ou diadème

Souvent brise en leur main,

Mais celui de Robin

Toujours, etc2 .

  • 1M. de Beaumarchais a acquis de nouveaux droits à a célébrité par la chanson suivante que l’on répète jusqu’au dégoût, en dépit des prudes. Le ton de nos sociétés est devenu fort gaillard, mais il faut avoue que jusqu’ici il n’avait point encore toléré de tableaux de cette espèce (Correspondace secrète).
  • 2Il est difficile de trouver à cette chanson le moindre mérite qui puisse excuser l’instant de vogue dont elle jouit ; ne l’attribuons donc qu’à notre futilité, à notre inconséquence (Correspondance secrète)

Numéro
$6210


Année
1774

Auteur
Beaumarchais



Références

Correspondance secrète, t.I, p.181-85