La fille et le cheval
Dans un sentier passe un cheval1 ,
Chargé d'un sac et d'une fille :
J'observe en passant le cheval,
Je jette un coup d'œil sur la fille.
Voilà, dis-je, un fort beau cheval ;
Qu'elle est bien faite, cette fille !
Mon geste fait peur au cheval,
L'équilibre manque à la fille ;
Le sac glisse à bas du cheval,
Et sa chute entraîne la fille.
J'étais alors près du cheval.
Le sac tombant avec la fille
Me renverse près du cheval,
Et sur moi se trouve la fille.
Non assise comme à cheval
Se tient d'ordinaire une fille,
Mais comme un garçon à cheval.
En me trémoussant sous la fille
Je la jette sous le cheval,
La tête en bas, la pauvre fille !
Craignant coup de pied de cheval,
Bien moins pour moi que pour la fille,
Je saisis le mors du cheval,
Et soudain je tire la fille…
D'entre les jambes du cheval,
Ce qui fit plaisir à la fille.
Il faudrait être un franc cheval,
Un ours, pour laisser une fille
À la merci de son cheval !
Je voulais remonter… la fille ;
Mais, prest ! voilà que le cheval
S'enfuit et laisse là la fille ;
Elle court après son cheval,
Et moi, je cours après la fille.
Il paraît que votre cheval
Est bien fringant pour une fille !
Mais, lui dis-je, au lieu d'un cheval,
Ayez un âne, belle fille ;
Il vous convient mieux qu'un cheval,
C'est la monture d'une fille.
Outre les dangers qu'à cheval
On court en qualité de fille,
On risque en tombant de cheval
De montrer par où l'on est fille.
Dans un sentier passe un cheval2
,
Chargé d'un sac et d'une fille :
J'observe en passant le cheval,
Je jette un coup d'œil sur la fille.
Voilà, dis-je, un fort beau cheval ;
Qu'elle est bien faite, cette fille !
Mon geste fait peur au cheval,
L'équilibre manque à la fille ;
Le sac glisse à bas du cheval,
Et sa chute entraîne la fille.
J'étais alors près du cheval.
Le sac tombant avec la fille
Me renverse près du cheval,
Et sur moi se trouve la fille.
Non assise comme à cheval
Se tient d'ordinaire une fille,
Mais comme un garçon à cheval.
En me trémoussant sous la fille
Je la jette sous le cheval,
La tête en bas, la pauvre fille !
Craignant coup de pied de cheval,
Bien moins pour moi que pour la fille,
Je saisis le mors du cheval,
Et soudain je tire la fille…
D'entre les jambes du cheval,
Ce qui fit plaisir à la fille.
Il faudrait être un franc cheval,
Un ours, pour laisser une fille
À la merci de son cheval !
Je voulais remonter… la fille ;
Mais, prest ! voilà que le cheval
S'enfuit et laisse là la fille ;
Elle court après son cheval,
Et moi, je cours après la fille.
Il paraît que votre cheval
Est bien fringant pour une fille !
Mais, lui dis-je, au lieu d'un cheval,
Ayez un âne, belle fille ;
Il vous convient mieux qu'un cheval,
C'est la monture d'une fille.
Outre les dangers qu'à cheval
On court en qualité de fille,
On risque en tombant de cheval
De montrer par où l'on est fille.
- 1 - 30 avril — On peut se rappeler un tour de force de M. le chevalier de Boufflers qui parut en 1780. C'est la Somme de saint Thomas, mise en monosyllabes par cet auteur aimable, adressée au duc de Choiseul qui l'avait défié de lui écrire une lettre toute entière en monosyllabes. Cette plaisanterie d'une gaieté charmante, était une forte impiété. – Aujourd'hui c'est un conte, intitulé : La fille et le cheval. Le chevalier de Boufflers avait fait six vers sur les rimes de ce conte. On le défia d'en faire trente de la même manière ; il l'acheva en quarante-six et composa ce badinage piquant, où l'on ne sent ni la gêne ni la contrainte des bout rimés. Le voici :
- 230 avril — On peut se rappeler un tour de force de M. le chevalier de Boufflers qui parut en 1780. C'est la Somme de saint Thomas, mise en monosyllabes par cet auteur aimable, adressée au duc de Choiseul qui l'avait défié de lui écrire une lettre toute entière en monosyllabes. Cette plaisanterie d'une gaieté charmante, était une forte impiété. – Aujourd'hui c'est un conte, intitulé : La fille et le cheval. Le chevalier de Boufflers avait fait six vers sur les rimes de ce conte. On le défia d'en faire trente de la même manière ; il l'acheva en quarante-six et composa ce badinage piquant, où l'on ne sent ni la gêne ni la contrainte des bout rimés. Le voici (M.).
F.Fr.13653, p.473-74 - Mémoires secrets, XXVIII, 278-79