Sans titre
N’espérez pas, pauvres Français1 ,
De vivre en paix avec l’Anglais.
L’intérêt déguise sa haine
Et vous verrez dans quatre mois
Ce peuple trahissant la Seine
Renouer avec l’Hollandais.
L’apôtre Saint-Barthélémy
Est votre plus grand ennemi.
Il vous poursuit à toute outrance ;
Jadis il vous fit égorger
Dans ce jour il livre la France
Aux ruses d’un fier étranger.
Duchesse qui dans vos États
De nos Dames réglez les pas,
Faites que Descartes demeure.
L’histoire de ce nain si beau
Mériterait que tout à l’heure
Je vins raser mon museau.
Mais pour raser il est bien tard
Et si demain la belle part
Elle n’aura vu qu’un malade.
Je voudrais lui paraître sain,
Lui faire oublier ma pelade
Et ma barbe de capucin.
Peut-être que dans quatre jours
L’amour me prêtra son secours
Et que par la force secrète
Qui touche les cœurs inhumains,
Sans ombre, piquet ni bassette
J’aurais des cartes dans les mains.
Si je vous avais un galant
Frisé, rasé, joli, brillant,
Mon cœur serait pris, ou je meurs.
Il est charmé de vos discours
J’ai passé près de vous une heure
Dont je me souviendrai toujours.
Vous avez montré de l’esprit
Au-dessus de ce qu’on en dit.
Certain air, engageant, honnête,
Un procédé tendre et charmant
Ah ! je serais votre conquête
Si je ne fuyais à l’instant.
- 1En 1713, le 14 août, fut publiée la trêve en Angleterre. A pareil jour de Saint-Barthélémy, en 1572, arriva le massacre des huguenots sous le connétable de Montmorency.
Mazarine, MS 2163, p.103-06 - Mazarine MS 2166, p.103