Panégyrique de Louis XVI
Panégyrique de Louis XVI1
A ce roi né pour l’exemple
Et le bonheur des Français,
Peuples, élevez un temple
Et gravez-y ses bienfaits.
Puisse en être la prêtresse
Et lui porter tous nos vœux,
Cette charmante princesse
Qui le rend lui-même heureux2
.
Il est clément, il est juste,
Il est sage autant que bon3
;
Il a les vertus d’Auguste,
Lorsqu’il en quitte le nom4
;
Mais ce titre à la romaine
Dont il est si peu jaloux,
Il faut bien qu’il le reprenne
Quand nous le lui rendons tous.
Tout s’ennoblit, tout s’épure,
Tout s’agrandit sous ses lois ;
Au vice il rend sa roture,
A l’honneur il rend ses droits ;
Il rétablit à Versailles
Et la décence et les mœurs5
,
Et déjà même Noailles
Dit du bien des grands seigneurs.
Viens, déité de la France,
Gaîté de nos bons aïeux,
Non celle dont la Régence
Arma les caustiques jeux ;
Mais toi, dont fut le modèle
Le bien-aimé de Paris,
Qui tutoyait Gabrielle
Et jurait ventre-saint-gris.
Déjà je vois reparaître
Maurepas6
, ton favori,
Jadis l’ami de son maître
Et le fléau de l’ennui ;
On sait qu’il perdit sa place
Un beau jour pour avoir ri
Et que pendant sa disgrâce
Tu fus toujours avec lui.
Ministres, laissez-moi rire,
La Reine nous l’a permis ;
Ne craignez point la satire
Et vivez tous bons amis ;
La triste philosophie
Nous ennuya trop longtemps,
Pardonnez à la folie
Quelques couplets innocents.
- 1Autre titre: Couplets sur le nouveau règne (F.Fr.13652)
- 2« La nature avait formé Marie‑Antoinette pour être assise sur un trône. Une taille majestueuse, une beauté noble, une manière de porter sa tête difficile à dépeindre, inspiraient le respect. Ses traits, sans être réguliers, avaient, ce qui vaut mieux, un agrément infini. La blancheur de son teint les embellissait et donnait à son visage un éclat éblouissant. Les manières les plus séduisantes ajoutaient encore à tant de charmes ; et, dans cette première fleur de sa jeunesse, l’élégance et la vivacité de ses mouvements, la franche et naïve expression d’un bon cœur et d’un esprit naturel avaient de quoi plaire particulièrement aux Français d’alors. Elle charma son époux, le Roi, et sa famille, la cour et la ville, les grands et le peuple, tous les sexes et tous les âges. » (Journal de Weber.) (R)
- 3« De la manière dont parlait tout le monde, on ne pouvait que concevoir les plus douces espérances sur le gouvernement du jeune monarque qui paraissait avoir les meilleures intentions, se proposant d’embrasser les plus sûrs moyens de réparer tous les maux faits sous le règne de son prédécesseur par trop de mollesse et trop de condescendance. Il voulait, assurait‑on, être surnommé Louis le Sévère ; il ne restait plus qu’à désirer que sa sévérité pût être toujours guidée par la justice. » (Journal de Hardy.) (R)
- 4 Le nouveau roi se nommait Auguste, étant Dauphin. (M.) (R)
- 5Ces réformes toutes morales, les seules qui eussent encore signalé le nouveau règne, ne pouvaient satisfaire qu’à demi ceux qui attendaient impatiemment la disgrâce des ministres du feu Roi et la suppression du Parlement Maupeou. (R)
- 6Maurepas, comme on l’a déjà dit, avait été victime de sa malignité envers Mme de Pompadour. Louis XVI ne vit en lui qu’un ministre injustement disgracié, et, poussé par ses tantes, il s’empressa de le rappeler dès son avènement au trône. Le 12 mai, il lui écrivait de Choisy la lettre suivante : « Dans la juste douleur qui m’accable et que je partage avec tout le royaume, j’ai de grands devoirs à remplir. Je suis roi : ce nom renferme bien des obligations ; mais je n’ai que vingt ans, et je n’ai pas les connaissances qui me sont nécessaires. Je ne puis travailler avec les ministres, tous ayant vu le Roi pendant sa maladie. La certitude que j’ai de votre probité et de votre profonde connaissance dans les affaires m’engage à vous prier de m’aider de vos conseils ; venez donc le plus tôt qu’il vous sera possible. Sur ce…, etc… Louis. » (R)
Raunié, IX 4-8 - F.Fr.13652, p.261-63