Epître à Mlle Sallé
Epître à Mlle Sallé
Les Amours pendant votre absence
Avec vous s’étaient envolés.
Enfin les voilà rappelés
Dans le séjour de leur naissance.
Je les vis, ces enfants ailés,
Voler en foule sur la scène
Où, pour voir triompher leur règne
Leurs Etats furent assemblés.
Tout avait déserté Cythère,
Ce jour, le plus beau de vos jours,
Où vous reçûtes de leur mère
Et sa ceinture, et ses atours.
Dieux, quel fut l’avide concours
Des yeux qui, marchant sur vos traces,
Apprirent de vous pour toujours
Ces pas mesurés par les grâces
Et composés par les Amours.
Des ris l’essaim vif et folâtre
Pour voir ces spectacles charmants
Avaient occupé le théâtre
Sous la forme de mille amants ;
Vénus et ses nymphes parées
De modernes habillements
Des loges s’étaient emparées.
Un tas de vains perturbateurs,
Soulevant les flots du parterre,
À vous, à vos admirateurs,
Vint encore déclarer la guerre.
Je vis leur parti frémissant
Forcé de changer de langage,
Vous rendre en pestant son hommage
Et jurer en applaudissant.
Restez folle de Terpsicore,
L’Amour est las de voyager,
Laissez soupirer l’étranger
Brûlant de vous revoir encore.
Je sais que pour vous attirer
L’Anglais solide récompense
Le mérite errant que la France
Ne sait tout au plus qu’admirer.
Par sa généreuse industrie
Quelque don qu’il puisse étaler,
Est-il rien qui doive égaler
Le suffrage de la patrie ?
Clairambault, F.Fr.12704, p.253-55 - Maurepas, F.Fr.12633, p.153-54