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Epître à M. de Voltaire par Mme de Puisieux

Epître à M. de Voltaire par Mme de Puisieux1

Je repose, mon cher Voltaire,

Dans mon lit fort tranquillement.

Jamais d’une coupable audace

À ma muse je n’ai permis

Contre les personnes en place

De décocher des traits hardis.

De l’amour et de la folie

Je fais mon occupation,

Je mêle la philosophie

À leur douce distraction.

Dans une profonde ignorance

De ce qui concerne l’État,

J’impose à mes amis silence

Sur les querelles du sénat2

Une affaire si relevée

N’est point du tout de mon ressort.

Je jase au risque d’avoir tort.

J’honore mon Roi et ma patrie,

Je m’en fis toujours un devoir.

Je vis à l’abri de l’envie

Et sans redouter le pouvoir

Je n’ai rien reçu de personne,

Et mon sort est indépendant.

Mais la loi de l’honneur m’ordonne

D’avoir des égards pour le rang.

Dans un ministre respectable

J’adore un mérite éclatant

Et s’il eût été moins aimable,

Jamais je n’eusse un seul instant

Aux dépens de mon caractère

Offert à cet homme éminent

De l’hommage le plus sincère

Le véritable et pur encens.

Mais rassure-toi, cher Voltaire,

Je jouirais d’un grand bonheur,

Si, n’habitant pas la Bastille,

Tu me renfermes dans ton cœur.

  • 1Epître à M. de Voltaire par Mme de Puisieux sur les bruits qui ont couru qu’elle avait été mise à la Bastille à cause d’un libelle intitulé le Pater dont on disait qu’elle était l’auteur.
  • 2 [le Parlement

Numéro
$7368


Année
1753 juin




Références

F.Fr.10479, f°232