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Apothéose de M. de Voltaire par un abbé qui n’aurait pas refusé de l’enterrer.

Apothéose de M. de Voltaire

par un abbé qui n’aurait pas refusé de l’enterrer.

Un ministre du Ciel ose punir Voltaire

D’avoir dans ses écrits trop éclairé la terre.

Des talents, des beaux-arts cet ennemi sacré,

Beaumont, n’est à nos yeux qu’un Zoïle mitré.

Des réputations, toi qui te fais l’arbitre,

Ses ouvrages, Beaumont, valent mieux que ta mitre ;

Tu mourras tout entier, mais ses écrits vivront,

Chez nos derniers neveux ses vers te siffleront.

Quand Beaumont fait gronder son tonnerre futile,

Il venge son orgueil et non pas l’Évangile.

Courage, auguste chef des pédants à rabats,

Il fallait bien damner l’esprit que tu n’as pas.

De Terray, vil objet des vengeances célestes,

Tersac peut recueillir les méprisables restes.

L’Église lui rendit un culte solennel,

Et le crime repose à l’ombre de l’autel.

Trop imprudent curé, rougis de ta méprise,

Cet accueil scandaleux avilit ton Église.

Aveugle dans tes dons, comme dans tes refus,

Tu proscris Apollon pour caresser Plutus.

Aux honneurs du tombeau si Terray peut prétendre,

Fallait-il de Voltaire en exclure la cendre ?

Pasteur, par un sot peuple, hélas ! trop révéré,

Tu n’es, jaloux Tersac, qu’un Fréron tonsuré.

Tandis que de Terray on pardonne les crimes,

L’agréable Voltaire est damné pour ses rimes.

Ô vous, qui sur l’histoire accusez ses essais,

Depuis quand des erreurs sont-elles des forfaits ?

On veut flétrir Voltaire et ce dieu du génie

Est traité par les sots avec ignominie.

Déjà nous le voyons au rang des immortels,

Et privé d’un tombeau Voltaire a des autels.

Tristes pédants, s’il est une terre profane

Ah ! sans doute c’est celle où la sottise damne

Les grâces, le savoir, l’esprit et la beauté,

Et ne sait pardonner qu’à l’imbécillité.

Auguste reposoir des cendres de Voltaire,

Jardin trop fortné, l’Europe te révère.

Beaumont, Tersac, je veux qu’on me damne à ce prix,

Et cet enfer brillant vaut bien le Paradis.

Numéro
$6368


Année
1778




Références

CSPL, VI, 301-02