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Le Couvent de Madame Paris

Le couvent de madame Paris1
Parmi les jeux, parmi les ris,
Dans notre monastère,
Nous vivons chez la Paris
Comme l'on vit à Cythère ;
Vénus y vient fixer sa cour,
Et dans la même envie
Son fils préfère ce séjour
A celui d'Idalie2 .

Plein du feu voluptueux
Que ce dieu nous prodigue,
Sans cesse des traits amoureux
Nous souffrons la fatigue ;
De jour en jour nouveaux plaisirs
Naissent avec l'aurore ;
La nuit, propice à nos désirs,
Le voit renaître encore.

Nous célébrons tranquillement
Notre amoureuse orgie ;
Nous immolons tout sentiment
Aux douceurs de la vie.
C'est le vrai bien que nous goûtons,
La divine prêtresse
Nous en donne les lecons,
Nous y conduit sans cesse.

Sous le nom du berger troyen
Si connu dans l'histoire,
Notre mère aujourd'hui parvient
Au comble de la gloire ;
Mais elle n'appréhende pas,
Sûre de ses conquêtes,
Par quelque nouveau Ménélas
De voir troubler ses fêtes.

Sur un sujet aussi touchant,
L'épique pourrait plaire ;
A le célébrer par ses chants
Nous invitons Voltaire.
L'esprit affaibli, le coeur vieux,
N'ayant plus d'Émilie3 ,
Que pourrait-il faire de mieux
Le reste de sa vie4  ?

 

 

 

 

 

  • 1 - La Paris, fameuse courtisane et maq… Le curé de Saint Sulpice avait fait ses plaintes à M. Berrier, lieutenant général de police, pour la faire déménager de dessus sa paroisse. (M.) (R)
  • 2« Sur la fin de l’année dernière florissait Mme Paris, supérieure d’un couvent de filles perdues établi par elle rue de Bagneux, sous la protection du lieutenant de police. Son monastère, où tout Paris a couru et court encore, a été pendant quatre mois le vaudeville de toutes les conversations. Les femmes de la cour et de Paris, ce qu’on appelle les honnêtes femmes, en parlaient ouvertement et tout le monde admirait les règles de son institut. Saint-François, Saint‑Bernard, Saint‑Benoît et Saint‑Ignace n’y font œuvre. On peut apercevoir cependant quelques différences entre ces ordres et celui de Mme Paris : ceux‑là veulent des novices ; celui‑ci n’admet que des professes. Pour réduire la chose au simple, et parler sans figure, Mme Paris tient b… et y a mis un ordre singulier ; elle fait effectivement apprendre aux filles qui sont chez elle à lire, à écrire, leur religion, à chanter, danser, etc. ; M. Berryer la soutient et la protège. Il a été du bon air et de mode d’aller chez cette femme cet hiver. » (Journal historique de Collé.) (R)
  • 3Mme la marquise du Châtelet, morte en couches. (M.) (R)
  • 4On entend bien qu’il s’agit encore ici du bordel que tient publiquement à Paris, Madame Paris.

Numéro
$1081


Année
1750




Références

Raunié, VII,167-68 - Clairambault, F.Fr.12720, p.95-97 - F.Fr.10478, f°464 -F.Fr.15153, p.303-06 -  BHVP, MS 661, f°9r-10r - Mazarine Castries 3989, p.353-55