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Le Duc de Saint-Simon

Le duc de Saint-Simon
Régent, que veux-tu faire
De ce petit Simon, boudrillon ?
Vil insecte de terre,
Vrai gibier de lardon, boudrillon
Petit boudrillon, boudrillon don don,
Petit boudrillon, boudrillon don don1 .

Tout le mond s’étonne
Que tu souffres Simon2
Qui chez toi se cramponne
Comme un petit morpion.

Prends l’avis salutaire
D’écarter ce brouillon,
Au public tu dois plaire
Et chasser ce fripon.

Il traite de jean-fesses
De Mesmes en ta maison3 ,
Fais lui dire des messes
Aux Petites-Maisons4 .

L’orgueil insupportable
Du petit mirmidon
Le rend impraticable
Jusque dans sa maison.

D’où te vient tant de gloire,
Dis-moi, petit Simon ?
Nous n’avons dans l’histoire
Jamais trouvé ton nom5 .

Roucy se désespère6 :
De moi, que dira-t-on,
Si j’avais une affaire
Avec cet avorton ?

Pour calmer sa colère,
Dit Mazarin7 bouffon,
Fais-lui voir son grand-père8
Et puis nous en rirons.

Dis-lui que Bassompierre9
Par mépris, ce dit-on,
Ne voulut à son père
Donner coups de bâton.

Et vous, dame Simonne10
Au cœur loyal et bon,
Charitable personne,
Fouettez votre Simon.

Il remue, il cabale
Et fait le furibond,
Et jappe avec scandale
En toute occasion.

Il déclare la guerre
Au Parlement, dit-on,
Et pour le faire taire
Il écrit un factum11 .

Tu veux qu’on te salue
Au Parlement, Simon,
Lorsque chacun te hue
Jusques au polisson.

Simon est en démence,
Où le logera-t-on ?
On le mettra, je pense,
Aux Petites-Maisons.

  • 1Le refrain n’est pas repris dans la suite des couplets.(R)
  • 2Membre du Conseil de régence, il est devenu un des personnages du gouvernement, et bien que rarement ses avis prévalent, il est continuellement admis à les donner. Il ne fut point ministre parce qu’il ne le voulut pas ; il aurait pu l’être à un instant ou à un autre. » (Sainte-Beuve.) (R)
  • 3M. le duc de Saint‑Simon trouva chez le Régent M. Ie duc de La Feuillade, qui parlait à M. le premier président. De Mesmes ayant quitté le duc de La Feuillade, le duc de Saint‑Simon lui dit qu’il avait été en mauvaise compagnie. L’origine de ce différend vient de ce que les ducs accusent les présidents d’avoir dit au feu roi qu’ils cabalaient contre le duc du Maine, pour troubler la future minorité, et d’avoir par là indisposé le roi contre eux et se l’être rendu favorable pour les présidents à mortier (M.) Il est bon d’ajouter que le président de Mesmes ne méritait pas grande considération. (R)
  • 4C’était l’hôpital des fous, situé dans la rue de Sèvres. (R)
  • 5Le père de Saint‑Simon fut le premier membre de la famille qui joua un rôle politique, bien que l’auteur des Mémoires eût la prétention de descendre « du sang impérial de Charlemagne, par les comtes de Vermandois et rois d’Italie ». (R)
  • 6M. le comte de Roucy, ayant su que M. le maréchal duc d’Harcourt voulait vendre sa charge de capitaine des gardes du corps, pria Saint‑Simon d’en demander l’agrément au Régent. On dit qu’au lieu de le demander pour M. de Roucy, il le demanda pour le duc de Lorges, son beau‑frère. M. de Saint‑Simon dit que le Régent demanda une personne titrée : M. d’Harcourt proposa son fils, qui fut reçu. (M.) (R)
  • 7 Paul‑Jules, duc de Mazarin et de la Meilleraye, fils d’Hortense Mancini, la plus belle des nièces du cardinal. (R)
  • 8Le père de Saint‑Simon avait été créé duc et pair en 1635, mais son grand-père était simplement seigneur de Plessier‑Choisel. Voilà ce que l’historien, si fier de sa pairie, n’aurait pas dû oublier. (R)
  • 9François de Bassompierre (1579‑1646), maréchal de France. Il fut l’adversaire de Richelieu, tandis que le père de Saint‑Simon était tout dévoué au cardinal. (R)
  • 10Fille aînée du maréchal de Lorges. Saint‑Simon fait d’elle le plus grand éloge : « Je ne trouvai jamais, dit‑il, de conseil si sage, si judicieux, si utile, et j’avoue avec plaisir qu’elle m’a paré beaucoup de petits et de grands inconvénients. Je m’en suis aidé en tout sans réserve, et le secours que j’y ai trouvé a été infini pour ma conduite et pour les affaires, qui ne furent pas médiocres dans les derniers temps de la vie du roi et pendant toute la Régence. » (R)
  • 11 On regardait le duc comme l’auteur de toutes les discussions du Parlement avec les ducs et pairs, pour l’affaire du Bonnet (M.) Les ducs et pairs avaient raillé les présidents du Parlement sur leur origine bourgeoise. Les présidents répondirent par un Mémoire où ils attaquaient presque toutes les familles titrées de la cour. Les pairs, irrités, publièrent un factum pour repousser les allégations injurieuses du Mémoire, et l’on supposa qu’il avait été rédigé par le duc de Saint‑Simon. « On ne peut traiter que de chronique scandaleuse et de libelle diffamatoire, y est‑il dit, un écrit où, malgré les fleurs et ornements du discours fort recherchés, on voit régner également une horrible malice et une grossière ignorance. » (R)

Numéro
$0198


Année
1717 (Castries)




Références

Raunié, II,224-28 - Clairambault, F.Fr.12696, p.141144 (avec air noté) -  Maurepas, F.Fr.12628, p.391-94 - F.Fr.13655, p.170-71 (incomplet) -  F.Fr.15018, 239-42 - Arsenal 2937, f°205r-205v et 275r-275v - Arsenal 2975/3, p.41-43 (moins les quatre derniers couplets) - Arsenal 3131, p.45-47 (incomplet) - BHVP, MS 554, f°344 - Mazarine Castries 3982, p. 39-44 (dans le désordre) - Lyon BM, MS 1673, f°55r-56r - Barbier-Vernillat, III, 183-84