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Les trois ducs au Parlement

Les trois ducs au Parlement1
Or, écoutez, petits et grands,
Le très piteux événement,
Qui vient d’arriver en France :
Trois ducs et pairs ont pris séance
Parmi messieurs du Parlement,
Pour y blâmer monsieur Le Blanc2 .

Tous les ducs ont été camards,
Quand ils ont su que le Villars,
Richelieu et La Feuillade
Ont fait cette belle cacade,
Et que, pour eux, l’honneur n’est plus
Qu’un vain et chimérique abus.

Ils y furent tous trois lundi,
Entrèrent encor le mardi ;
Mais, mercredi, plus ils n’osèrent,
Et, depuis, ils n’y retournèrent,
S’y voyant sifflés, bafoués,
Montrés au doigt de tous côtés3 .

C’est monsieur le duc d’Orléans
Qui, du temps qu’il était Régent,
A donné lui-même le grade
De duc et pair à La Feuillade ;
Et cependant on voit, pour prix
De ce bienfait, qu’il le trahit.

Villars, qu’il a fait pair aussi,
Lui tourne casaque aujourd’hui.
Admirez la reconnaissance
Des grands que l’on nous vante en France ;
Sans le Régent, sans ses bontés,
Villars aurait été ruiné.

Pour Richelieu, sans en parler,
Le monde le connaît assez.
Étourdi, plein de confiance,
Content de faire une imprudence,
Au risque même du mépris,
Pourvu que l’on parle de lui.

Que ces trois bons ducs à présent
Viennent disputer fièrement
Le pas à toute la noblesse,
Quand on les voit avec bassesse
Prendre rang sur les fleurs de lys
Pour faire leur cour aux Pâris.

Or, prions tous, à deux genoux,
Le dieu de l’empire des fous
Qu’il engage par sa marotte
Le commandant de la calotte,
De donner charge en ses États
A ces trois fameux magistrats.

  • 1Autres titres: Chanson contre MM. les ducs de la Feuillade, de Brancads, Villars et de Richelieu (Arsenal 2962) Chanson sur la réception de trois ducs au parlement (F.Fr.12500)
  • 2Le lundi 8 janvier 1725, toutes les Chambres du Parlement assemblées à la grand’Chambre pour travailler à l’affaire de M. Le Blanc et de Michel La Jonchère, ci‑devant trésorier de l’extraordinaire des guerres, soupçonné d’avoir participé au meurtre du sieur Sandrier, commis de La Jonchère, M. le duc d’Orléans et le prince de Conti s’y trouvèrent à toutes les séances jusqu’à la fin en faveur de M. le Blanc. MM. Les ducs de La Feuillade, de Brancas et de Richelieu y vinrent le premier et le second jour pour faire leur cour à M. le duc de Bourbon, après quoi, ils ne parurent plus. MM. Pallu et Delpech de Mireuille furent rapporteurs de l’affaire, qui fut jugée le 22 janvier et renvoyée à la Tournelle sans qu’il fût parlé dans la prononciation de l’arrêt de M. Le Blanc, nonobstant les conclusions du procureur général qui tendaient à le décréter de prise de corps. (Arsenal 2962, p.210-11)
  • 3« On les avait regardés dans le public comme les espions de M. le Duc, et ils s’étaient retirés. On a fait des chansons sur les trois ducs et on les a tympanisés. » (Journal de Barbier.)

Numéro
$0590


Année
1725 (Castries)




Références

Raunié, V,29-32 - Clairambault, F.Fr.12699, p.197-99 -  Maurepas, F.Fr.12631, p.245 - NAF.9184, p.196-97 - Arsenal 2937, f°365r - Arsenal 2962, p.210-14 - Arsenal 3133, p.28-30 - F.Fr.12500, p.367-69 - Mazarine Castries 3984, p.29-31 - Marais, II, 807-08