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Le Mémoire du duc du Maine

Le mémoire du duc du Maine1
Français, reconnaissez-moi
Pour être un jour votre roi,
Car rien ne trouble un empire
Autant que le droit d’élire.
Lampons.

Songez à quels attentats
Il expose les États ;
Que de partis et d’intrigues,
De mouvements et de brigues !

On est plus sollicité,
Persécuté, tourmenté.
Pour un seul que l’on contente,
L’on en mécontente trente.

Profitez de mes leçons,
Et pesez bien mes chansons ;
Car pour votre loi salique2
Ma foi, je lui fais la nique.

Suis-je le premier bâtard
Qui devint roi par hasard ?
N’avons-nous pas un Guillaume3
Conquérant d’un grand royaume ?

Si je n’étais pas content,
J’en pourrais bien faire autant.
Mais épargnez-m’en la peine :
Essayez d’un duc du Maine.

Que vous vous louerez de fois
De la douceur de mes lois,
Et direz que ma personne
Mérite bien la couronne !

Informez-vous à Trévoux4
Combien mon empire est doux !
On vous dira qu’on m’estime
Plus qu’un prince légitime.

Les autres princes du sang5
Prétendent un autre rang,
Fondés sur ce que leur père
Fut assisté d’un notaire.

Mais le roi, pour des raisons
Jugea, qu’en toutes façons,
Il pouvait fort bien me faire
Sans prêtre, bans, ni notaire.

Qu’importe tant après tout,
Comment on en vient à bout,
Pourvu qu’on ait de sa race
Qui marche bien sur ses traces ?
Lampons.

  • 1Louis‑Auguste de Bourbon, duc du Maine, fils aîné de Louis XIV et de la marquise de Montespan. Menacé, ainsi que le comte de Toulouse son frère, de perdre les privilèges que lui assuraient l’édit de 1714 et la déclaration de 1715, il adressa au Régent pour la défense de ses droits un volumineux mémoire historique, œuvre de la duchesse du Maine et de ses conseillers, qu’il fit suivre de plusieurs requêtes au Parlement. Mais ses efforts furent inutiles. Le conseil de régence, saisi de l’affaire, déclara les princes légitimés inhabiles à succéder à la couronne, et les priva de la qualité de princes du sang, en leur en conservant toutefois les honneurs, leur vie durant. La pièce ci‑dessus est une parodie du mémoire. (R) Chanson qui a pour titre: Troisième mémoire de monsieur le duc du Maine (Arsenal 2961)
  • 2Les femmes furent exclues de la succession à la couronne de France en vertu d’un texte de la loi des Francs Saliens, faussement interprété par leurs jurisconsultes du XIVe siècle. Ce texte devint dès lors l’un des principes constitutionnels de l’ancienne monarchie, sous le nom de loi salique. (R)
  • 3 Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, conquérant de l’Angleterre. (R)
  • 4Capitale de la principauté de Dombes que Mademoiselle de Montpensier avait donnée en 1681 au duc du Maine, pour obtenir de Louis XIV la liberté de Lauzun, son amant, enfermé à Pignerol. (R)
  • 5 C’étaient M. le Duc, le comte de Charolais et le prince de Conti qui avaient réclamé la suppression des privilèges conférés aux princes légitimés. Les ducs et pairs de leur côté demandèrent qu’ils fussent réduits au rang de leur pairie. (R)

Numéro
$0203


Année
1716 (Castries) / 1717




Références

Raunié, II,233-35 - Clairambault, F.Fr. 12696, p.193-95 -Maurepas, F.r.12628, p.433-35 -  Arsenal 2937, f°265r -266r - Arsenal 2961, p.370-73 - Arsenal 3132, p.272-74 - Mazarine Castries 3981, p.345-49 - Lyon BM,MS1673, f°84v-86r