La politique de Villeroy1
Contre Eugène et contre l’Anglais2
Tu montras jadis ta vaillance ;
Grand maréchal, de tes exploits
Nous aurons longtemps souvenance ;
Pour finir ton rare portrait,
Ajoute encor ce nouveau trait3 .

Aussi brave que feu César,
Deviens aussi fin politique,
D’un nom proscrit crains le hasard,
Moque-toi de la foi publique ;
Romps avec des gens sans crédit,
C’est Contade4 qui te le dit.

Les Noailles sont ton appui,
Ils le jurent par La Vallière5 ,
Tu pourras, nouveau favori,
Remplir dignement ta carrière,
Et briller ; gouvernant l’État,
Autant que tu fis au combat.

• 1A l’occasion de la rupture du mariage du marquis de Villeroy avec Mlle de Rohan. Elle a depuis épousé le duc de la Meillerie (Clairambault, F.Fr.12696)
• 2La faveur de Louis XIV et de Mme de Maintenon avait improvisé Villeroy maréchal de France, mais l’heureux favori manquait totalement de capacités militaires, il n’avait que de la bravoure, qualité insuffisante pour tenir tête au prince Eugène et à Marlborough. Aussi compta‑t‑il dans sa courte carrière presque autant de désastres que de batailles. La raillerie publique ne le ménagea point et l’on formerait un gros volume de toutes les chansons dirigées contre lui. Voici une épigramme qui mérite d’être citée : elle fut composée lorsque les Impériaux, à la faveur d’un coup de main, l’enlevèrent dans Crémone, où il venait d’arriver (1702), sans réussir à prendre la ville : Français, rendez grâce à Bellone / Votre bonheur est sans égal / Vous avez conservé Crémone / Et perdu votre général. (R)
• 3Il venait de rompre avec éclat le mariage projeté entre son petit‑fils et la fille aînée du prince de Rohan, qui épousa bientôt après le duc de La Meilleraye. (M.) (R)
• 4Contade, major du régiment des gardes, était intimement lié avec le duc de Noailles. (R)
• 5Neveu de la duchesse de La Vallière. Il avait épousé une fille du duc de Noailles. (R)