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L'Ignorance du duc de Noailles

L’ignorance du duc de Noailles
Jarnigué ! monsieur le Régent,
Faute d’argent,
Tout le monde est bien indigent.
Noailles n’est sot ni benêt1 ;
Mais, palsanqué !
Il n’est nullement,
Monsieur le Régent.
Il n’est, dis-je, bien financier2 .
Où diable aurait-il appris son métier ?
C’est conscience, en vérité,
Tout est pauvreté.
Il croit avoir tout dit,
Tout fait, quand par un même édit
Il nous forge un salmigondis
De son Mississipi
Et des lanternes de Paris3 .
Ses grands projets,
Vrais bilboquets,
Ne sont que vision
De son imagination.
Voyez
Comme nous sommes payés.
Ce Don Quichotte tout craché
Nous donne du papier mâché.
Avec ses expédients,
Qu’il aille, le Pantalon,
En Roussillon.
Quand vous n’aurez plus le Noailles,
Un chacun bénira vos jours,
Grand prince,
Et tout ira, tout reprendra son cours.

  • 1Le poète se rappelle sans doute ce couplet de chanson peu flatteur pour la famille des Noailles, que l’on fit courir lorsque l’oncle du duc fut nommé à l’archevêché de Paris : Sire, votre bonne ville / Demandait un grand prélat, / Votre Majesté facile / Ne nous donne qu’un bêta ; / Tout Noaille est imbécile.
  • 2Telle n’est pas l’opinion de Duclos. « Citoyen zélé, dit‑il, quand son intérêt propre le lui permet, il s’applique à rétablir les finances et y serait peut‑être parvenu si le Régent l’eût laissé continuer ses opérations. La meilleure preuve que l’on puisse donner des capacités financières du duc de Noailles, c’est le mémoire lumineux qu’il lut en juin 1717 au Conseil des finances, et dans lequel il proposait, pour parer aux difficultés de la situation, la taille proportionnelle en temps ordinaire, et une imposition générale sur tous les corps de l’État, en cas de nécessité. » Ce mémoire a été inséré par Forbonnais dans ses Recherches sur les finances de la France. (R)
  • 3Allusion à l’édit du 13 septembre 1717, portant suppression de l’impôt du dixième et réglant toutes sortes de questions financières. L’auteur raille la confusion des matières en visant spécialement l’article VI (l’entretien des lanternes ne se fera plus aux dépens du roi, mais par les propriétaires des maisons), et l’article XI (on établira des compagnies de commerce dont les actions seront acquises en billets de l’Etat). (R)

Numéro
$0206


Année
1717 (Castries)




Références

Raunié, II,242-44 - Clairambault, F.Fr.12697, p.64-65 - Maurepas, F.Fr.12629, p.280-81 - NAF.2483, p.153 - Arsenal 2961, p.446-47 - Arsenal 2975/3, p.89-90 - Arsenal 3132, p.339-40 - Mazarine Castries 3982, p. 75