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La Vaillance du duc de Bourbon

La vaillance du duc de Bourbon1
Admirez le fils intrépide
Des Condés, ces braves guerriers.
En pleine paix il est avide
D’un nouveau genre de lauriers2 .

Pour son chef-d’œuvre de vaillance,
Il jure d’arracher le jour
Aux Minotaures de la France3 ,
Aux fruits d’un criminel amour.

Ceci lui vint en fantaisie,
Quand Louis eut passé le pas4 ;
Il jura, car pendant sa vie,
Princes du sang ne juraient pas :

Je consens de voir par la grêle,
Sécher les coteaux bourguignons ;
Ne baiser jamais la de Nesle5 ,
Tant qu’il sera de faux Bourbons.

J’établis mon champ de bataille
Dans le parquet du Parlement ;
Je donne d’estoc et de taille,
S’ils le traversent seulement.

Le jour pris pour ce beau fait d’armes,
Fut quand on jugeait Richelieu6 ;
Tout le Parlement en alarmes,
Faisait cette prière à Dieu :

Grand Dieu ! sauvez Toulouse et Dombe ;
Si vous n’empêchez leur trépas,
Sous Bourbon l’un et l’autre tombe !
Dieu les exauce, il n’y vint pas7 .

  • 1Autre titre: Sur M. le Duc (F.Fr.12500)
  • 2Fait à l'occasion que les princes du sang font de laisser traverser le parquet par les princes légitimés quand ils sont au parlement. (Clairambault) (R)
  • 3Le comte de Toulouse et le duc du Maine étaient nés d’un double adultère, et l’on sait que le Minotaure, d’après la mythologie grecque, était le résultat des amours de Pasiphaé, femme de Minos, avec un taureau : Uxorem quondam magni Minois, ut ayant, / Coripuit torvi candida forma bois. (Properce) (R)
  • 4Voici quelle fut l’origine du différend entre les princes légitimes et les légitimés : « M. Ie Prince avait dans sa succession des biens sujets à des contestations entre M. le Duc d’une part, et la duchesse du Maine et ses sœurs de l’autre ; on parla d’une transaction entre parents, et le duc du Maine ayant pris la qualité de prince du sang dans l’acte qu’il signa, M. le Duc ajouta à sa signature qu’il protestait contre cette prétention. Depuis ce moment‑là les princes légitimes et les princes légitimés se firent la guerre ouvertement dans toutes les occasions, et leurs débats furent d’autant plus animés que les femmes s’en mêlèrent. » (Mémoires de Richelieu) (R)
  • 5Madame écrit à la date du 13 juin 1717 : « M. le Duc ne peut pas encore oublier Mme de Nesle, quoiqu’elle lui ait donné son congé et qu’elle ait pris à sa place ce grand veau, le prince de Soubise. On prétend que celui‑ci dit : « De quoi se fâche M. le Duc ? n’ai-je donc pas permis à Mme de Nesle de coucher avec M. le Duc quand il viendra ? – Tant on est ici délicat dans les amours. »
  • 6A la suite d’un duel qui fit grand bruit, le duc de Richelieu et le comte de Gacé furent enfermés à la Bastille, où ils restèrent six mois. Le Parlement, saisi de l’affaire, la jugea le 21 août 1716, en ordonnant un plus ample informé et en mettant les prisonniers en liberté. C’est le lendemain que fut présentée au Régent la requête des princes légitimes contre le duc du Maine et le comte de Toulouse. (R)
  • 7 On dit que M. le Duc ne vint pas au parlement ce jour-là, quoiqu'il eût fait de grandes menaces, parce qu'il fut retenu au lit pour une petite galanterie qu'il aurait attrapé aux nuits blanches des champs-Elysées. (F.Fr.9351)

Numéro
$0202


Année
1716 (Castries) / 1717




Références

Raunié, II,230-32 - Clairambault, F.Fr.12696, p.97-98 - Maurepas, F.Fr.12628, p.317-18 - Maurepas, F.Fr.12633, p.366-69 -  F.Fr.9351, f°224v-225r - F.Fr.12500, p.149 - Mazarine Castries 3981, p.422-23 - Lettres de Paris à un diplomate hollandais, p.125