Vers du Sr de Voltaire au sujet du mariage de M. le duc de Richelieu et de Mlle de Guise.
Un prêtre, un Oui, trois mots latins1 ,
A jamais fixent vos destins,
Et le célébrant d'un village,
Dans la chapelle de Montjeu,
Très chrétiennement vous engage
A coucher avec Richelieu,
Avec Richelieu, ce volage,
Qui va jurer par ce saint nœud
D'être toujours fidèle et sage.
Nous nous en défions un peu ;
Et vos grands yeux noirs, pleins de feu,
Nous rassurent bien davantage
Que les serments qu'il fait à Dieu.
Mais vous, madame la duchesae,
Quand vous reviendrez à Paris,
Songez-vous combien de maris
Viendront se plaindre à votre altesse ?
Ces nombreux cocus qu'il a faits
Ont mis en vous leur espérance :
lls diront, voyant vos attraits
Dieux, quel plaisir que la vengeance !
Vous sentez bien qu'ils ont raison,
Et qu'il faut punir le coupable :
L'heureuse loi du talion
Est des lois la plus équitable.
Quoi ! votre cœur n'ett point rendu ?
Votre sévérité me gronde !
Ah ! quelle espèce de vertu
Qui fait enrager tout le monde !
Faut-il donc que de vos appas
Richelieu soit l'unique maître ?
Est-il dit qu'il ne sera pas
Ce qu'il a tant mérité d'être ?
Soyez donc sage, s’il le faut ;
Que ce soit là votre chimère.
Avec tous les talents de plaire
Il faut bien avoir un défaut.
Dans cet emploi noble et pénible
De garder ce qu'on nomme honneur,
Je vous souhaite un vrai bonheur :
Mais voilà la chose impossible.
- 1Vers du Sr de Voltaire au sujet du mariage de M. le duc de Richelieu et de Mlle de Guise. Mai 1734
Clairambault, F.Fr.12705, p.105-06 - Maurepas, F.Fr.12633, p.261-62 - F.Fr.15147, p.52-55 - Stromates, I, 416-18